Les 12 travaux de Mémé Dalton

  • Auteur de la discussion Mémé Dalton
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La mémé se retroussa les manches. Hors de question de laisser à penser à cette outre à vin de shérif que le labeur était trop dur pour elle! Elle avait réalisé de menus travaux, pour des gens au saloon, se rinçant amplement au passage...un bout d'laine pour toué, deux bouts d'laine pour moué...un zaricot pour toué, deux zaricots pour moué...
Sauf que là, que notre bon Seigneur lui noircisse la figure, cet ivrogne d'entoilé à moustache avait perdu ses outils. Fallait remonter toute la cloture pour voir si le marteau trainait pas par là!
-Gnéhéhé, si ça s'trouvions, l'aviont oublié dans son fond'ment, une nuit d'esseul'ment!! Crénom d'nom d'bougre eud'sodomite! Seigneur, pardonnions-zy ses err'ments d'l'arrière train!!
Réjouie par la vision de monsieur Bricolage et son outil à manche, la mémé commença à réparer les clôtures. Entre chaque piquet, le chemin était long pour ses courtes jambes, elle s'appuyait sur chacun pour reprendre son souffle, et quand le piquet bougeait, elle gueulait après les ouvriers de l'équipe:
-Hey, Bigleux, l'avions point vu qu'çui-ci l'étions branlant????? Réparions zy vite, j'avions failli tomber en m'appuyant d'sus!
A ce rythme, elle prenait de l'avance sur le reste de l'équipe, testant chaque poteau, et signalant ceux qui bougeaient.
-Ah, l'étions sur qu'la branlance, ça y disions ren, à cte fils eud catin! Bon Seigneur, pardonnions à sa mère, mais flétrissions-zy d'abord l'entrejambe!! Câââââtin!!
De temps en temps, un buisson de groseilles l'attirait loin de la clôture, elle allait s'en empiffrer avec délice. Fatalement à la mi-journée, Dieu et ses intestins lui rappelèrent que la gourmandise était un péché mortel!
Un bosquet peu touffu, mais propice à une intimité élevait son ombre à quelques pas de là.
Mémé s'y aventura, clopinant sur les derniers pas, car elle avait lâché la braguette de sa jupe culotte, qui s'entortilla à ses chevilles.
La délivrance fut explosive, les tripes de mémé avaient vécu! Un lapin s'enfuit, laissant ses lapereaux affolés, oreilles baissées, dans leur terrier creusé aux racines d'un arbre. Devant les chevilles de la mémé accroupie, l'herbe avait été couchée, formant une longue silhouette, sans doute par un siesteur paresseux.
-Fichus mexicains, racaille eud'fainéants!
Quelques larges feuilles duveteuses servirent à mémé à se racler la peau, et elle se releva soulagée.
-Seigneur bon dieu, j'te jurions qu'pus jamais, j'mangions eud'ces fruits du diab!!!
Elle repartit vers la clôture, quelques piquets plus loin, pour regagner son avance, sans remarquer le moins du monde que de sous son évacuation dépassait le bout d'un manche en bois...


Quelques minutes plus tard, le lapin déménageait sa famille dans un autre bosquet, mais ça n'a aucun intérêt dans cette histoire!
 
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Mémé avait reçu un message la réprimandant de son vocabulaire.
Elle ne savait pas lire, alors elle avait demandé traduction de pattes de mouche courant sur la feuille à un contremaitre.
-Peuh! J'disions jamais eud'vilains mots, qu'des palabres inventées par not' bon Seigneur! Tu ne jureras point, ou pas d'trop!!!
La conscience tranquille, elle continua à faire semblant de bosser. Le soir venu, elle alla réclamer sa solde, et arpenta le camp avant d'aller bouffer le rata avec les hommes.
Elle eut un sourire ravi quand devant une tente, elle remarqua un sac posé au sol, dont s'échappaient des pinces coupantes. Des outils.. et personne autour, -tous en train eud'baffrer, band'eud goinfres!
Ni une ni deux, elle se baissa et vida le sac. Des outils roulèrent à ses pieds.
-Bon Seigneur, t'étions eun mère pour moué!!
Elle empocha un marteau, qu'elle donnerait au shérif, et testa les pinces, pour voir. Les pinces coupèrent très bien le bout d'une petite scie, et merveilleusement les élingues retenant la tente qui s'écroula.Ainsi que les bretelles du sac en cuir. Par contre, rien à faire sur les cailloux! Elle essaya de faire des petits motifs en trouant la toile de tente, pour faire joli, mais elle ne put que déchirer les fibres.
Jetant les pinces maintenant émoussées, et la scie cassée, elle se releva, en massant ses vieux reins.
-Diab de Judas, faisions pas bon eud'vieillir!!
Elle laissa le marteau à l'adjoint du shérif, empocha la récompense, (valait mieux pas tomber sur le shérif, il aurait vu que l'outil n'était pas le sien)et alla rejoindre le feu de camp, après s'être fait servir une belle assiettée de frichti.
Elle venait de lâcher un léger rot ...
-BREUUURP!!
...quand un enfant arriva avec sa mère, en courant affolé:
-Daddy, daddy, not' tente est tombée, et on a cassé tes outils!! M'an dit qu'c'est un outlaw!! Daddy, où c'est qu'on va dormir??
Un grand gaillard se leva, l'air ennuyé, et suivi sa famille dans le noir, vers leur tente.
-Uhuhu gnéehéhéééé!!! Pov monde!!
Mémé compatissait au malheur de la famille, d'autant que des gouttes commençaient à tomber, alors que des rafales se levaient. Elle avait loué la dernière place dans le dortoir de la ville d'à côté. Il était temps d'y aller, d'ailleurs, demain serait un autre jour, et il lui fallait être en forme.
 

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Ca allait mal pour la mémé.
Au saloon, elle avait croisé sa petite soeur, qui lui avait fait tout un cours sur la façon de cirer les chaussures.
Mémé avait regardé ses croquenots crottés, reniflé...
-Peuh!
Mais un quidam était entré, elle l'avait reconnu: elle lui avait craché sur les pompes,un peu plus tôt, en lui disant de se les astiquer lui même. Il voulait la payer d'un malheureux quarter, le bougre! Son mollard valait déjà plus que ça!!
Bref, on lui avait cherché des noises dans le saloon, et ça lui avait couru sur le haricot. Elle avait remonté ses manches sur ses petits bras malingres, et dressée sur ses ergots, elle avait gueulé à la face du bonhomme:
-Allions-zy dehors, bougre eud' d'mi mâle, et parlions zy face à face!! Faisons voir si tu f'sions l'malin face eun vraie dame qu'a du chien!!
Elle était sortie en ricanant péniblement...-faudrait qu'elle arrête de fumer..- -rheurheu gnéhéhé
Et elle avait sorti sa fronde, et un caillou bien pointu. Installée au milieu de la rue, elle avait armé son outil de mort, un oeil fermé pour mieux viser.
Dès que l'homme était sorti du saloon, et avait entreprit de descendre les 3 marches, elle avait tiré sans attendre.
Mais l'homme était costaud! Il dit "ouille", leva un sourcil étonné, massa son bras, et avait l'air un rien furibond en arrivant face à la mémé.
Mémé fouilla ses poches! Plus de cailloux!! Pour cause, elle les avait mis dans la besace du livreur de l'épicerie, alors qu'il pissait un coup contre le bâtiment du télégraphe, pour remplacer les colis qu'elle avait dérobé aussitôt.
Ses poches étaient plus plates que le cerveau du shérif!
-Damned, bon Seigneur, manifestions toué!!
Dans l'attente d'une réponse favorable de Dieu, elle avait jeté la fronde à la figure du gazier, et avait commencé à reculer pour trouver où s'échapper. La fronde avait manqué sa cible, tombant à un mètre de l'homme. IL s'était penché, avait ramassé l'arme, et l'avait balancée violemment à la mémé, qui l'avait prise droit entre les yeux. Elle avait vu mille étoiles, soudain! Manifestation divine?
-Dieu! C'etions trop tard!
Et elle s'était écroulée, avec la sensation qu'un bison lui avait mâché le crane!

Elle s'était réveillée plus tard dans un dortoir, une bosse énorme sur le front...
-Amen, Bon Seigneur, t'm'avions point laissée mourir!!
Un godet lui remonterait le moral.. elle attrapa son sac, et fouilla dans la bourse qu'elle y tenait cachée. Elle n'y trouva que du gluant tout mouillé... la réponse de l'homme probablement...
-Chien visqueux eud'putoid putrid'!! Laissions moué r'prendre eun d'force, et j'm'en allions t'faire bouffer tes grolles toutes crus, arnaqueur eud' vieilles dames!!!
Elle était outrée!!! Si seulement sa tête pouvait lui faire un peu moins mal...
 

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Sa tête lui faisait un mal de chien.
Elle s'était refait une réserve de cailloux, mais sa fronde était cassée.
Et puis elle avait faim, mais plus un sou en poche.
-Crénom d'coyotte, mon bon Seigneur, laissions pas ton ouaille qu'est la plus fidèle mourir eud faim!!! Amen!
Inspirée, elle alla à l'église. Un peu de calme et de fraicheur, un peu de recueillement, aussi... Au vu de l'heure tardive, le lieu saint était désert.
-Bougres eud'mécréants! A verrions à l'heure du jug'ment dernier, qui c'étions qu'risquions d'passer direct au purgatoire!!! Gné héhé!

S'étant garanti par sa fidélité une place au Paradis, elle alla directement au bénitier, trempa ses doigts, se signa.. Puis elle plongea le visage dans l'eau froide...but un coup, fit des bulles, et retrempa un brin sa figure violacée. Ca apaisa les élancements de son front. Oh, à y être... elle se déchaussa, tira un banc près du bénitier, grimpa dessus, et trempa son pied droit.
-Ahhhhhhh, pour sur, l'étions bénite, ta flotte, Seigneur! A'm faisions tell'ment eud bien d'ssus mon zoignon!! J'étions serrée d'dans mes godasses!!
L'eau s'était colorée de sombre, et bien que pas regardante sur l'hygiène, mémé se félicita de s'être trempé la figure juste avant le pied. Secouant ses orteils pour que l'eau passe entre, elle faisait des petits clapotis, en équilibre sur son banc, juchée sur une jambe, l'autre levée et posée dans le bénitier.
- Mon bon Seigneur, j'te confions la santé d'mes cors et d'mes cals... qu'ton eau consacrée m'guérisse d'mes zoignons!!
Elle changea de pied, soupirant d'aise.
Quand la position se fit trop inconfortable, elle descendit du banc en craquant de tous ses vieux os.
-Misère eud'misère!!

Elle remonta le long des bancs en bois, vers l'autel. Derrière, une niche contenant un ciboire jetait une ombre sur le mur blanc. Ses pieds mouillés laissaient des empreintes luisantes sur le plancher de la bâtisse. Quelqu'un les eut observées à ce moment, il eut été surpris de voir que le pied droit laissait la longue trace du pied lui même, et six ronds juste devant.. De plus, le gros orteil semblait d'une grosseur insoupçonnée!!

Elle contourna la table en bois couverte d'une nappe blanche, simple, et pleine d'espoir alla prendre le ciboire. Plein! Miracle! Enthousiaste, elle leva les yeux vers le crucifix au dessus d'elle:
- Mon bon Seigneur, j'pouvions point croire qu'l'cur'ton d'ces lieux l'avions oublié d'vider l'pain sacré! C'étiont eun intervention divine!! Merci, bon Seigneur!!
Elle renversa la tête en arrière, et vida toutes les hosties dans sa bouche.
-Mewchi , mvon fbon Cheigneur!
Reposant le ciboire, elle commença à mâchouiller avec application, longtemps, longtemps. Elle alla se rechausser, mâchant toujours, et sortit de l'église, mastiquant encore.
Elle se serait bien arrêtée au saloon, pour extorquer au barman une pinte, mais le corps du Christ s'était collé à son palais, et elle ne pouvait plus parler. Pour ne pas froisser Dieu, elle n'osait pas cracher.
Résignée, elle retourna au dortoir, mais n'osa pas s'allonger de suite, pour ne pas s'étouffer avec la boule amalgamée qu'elle n'arrivait pas à avaler.
Elle s'endormit fort tard...
 

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S'assurant que l'homme aux chaussures ne trainait pas dans le coin, Mémé entra dans le saloon. Elle salua à la cantonade.
- Qu'le Seigneur vous gard' en sa sainte protection, bande eud'chacals!
Elle renifla avec mépris vers la danseuse.
-Même toué, boug' eud' catinette! T'offensions eul'Seigneur à montrer tant eud' bouts d'peau à c'te band'eud couillons!

D'habitude, la Maria lui tournait le dos, mais là, elle fit signe à mémé d'approcher.
-Vérolée eud' criature, espérions pas m'prend' comme cliente!! J'fricotions point zavec les culs fendus!!
Indignée, la mémé s'approcha pour pincer le bras de la danseuse, -elle aurait l'air moins fine avec le bras rouge- mais la Maria vive comme un serpent se pencha et lui murmura à l'oreille:
Je viens d'apprendre que c'est l'anniversaire d'Henry dans quelques jours. Il nous aurait jamais dit ça lui-même mais maintenant nous allons organiser une surprise-partie qu'il a vraiment mérité! Bien sûr nous avons aussi besoin de cadeaux et j'ai déjà une bonne idée. Parfois Henry se plaint d'avoir mal au dos et pour cette raison je vais lui offrir un beau matelas mou fait avec de la vraie laine de mouton. Cependant, il me faudrait encore la laine. Peux-tu me la procurer, s.t.p?

Mémé réfléchit furieusement à la façon de tirer avantage de la demande.
-J'acceptions si tu m'faisions aussi eun p'tit mat'las mou pour enrouler dans mon paqu'tage! Sinon, j'allions d'suite dire à l'Henry qu'ta surprise, a sert à s'vautrer d'sus!
La mémé n'était pas douée pour rendre des services gratis, fallait qu'elle y trouvât son compte, et qu'elle s'estimât remboursée au centuple. Elle n'était pas douée pour garder les secrets, non, plus!
La Maria grommela un Ok rageur, et lui tourna le dos. Mémé renifla, et commanda à Henry de quoi déjeuner pour quatre.
-C'etiont la Maria qu'y payont!! Cte gamine dévoyée étiont généreuse à l'excès!

PLus tard, dans le pré, mémé regretta d'avoir mangé la cerise décorative sur le 3eme dessert. Elle était pleine comme une outre, et ces fichus moutons galopaient dans tous les sens dès qu'elle approchait.
-Mon bon Siegneur, j'avions mangé c'te cerise, l'étions eud t'rop dans mon stomac!!
Elle planta ses ciseaux à tondre dans l'herbe, décidant de cesser de courir, sous peine de régurgiter les trop multiples plats qu'elle avait bâfré chez Henri. Avisant un buisson ombrageux, elle décida de s'octroyer une sieste. Elle s'installa dans l'ombre en craquant de toutes ses articulations -misèr'eud misère-, et allait fermer les yeux quand elle remarqua une touffe laineuse accroché à la fourche d'un bout de branche.
-Bon Seigneur, merci eud c'cadeau!!

Au lieu de tondre les moutons, elle allait ramasser la bourre de la laine accrochée à tous les buissons. A bien y regarder, ils ressemblaient tous à un champ de coton!
Mémé passa les deux heures qui suivirent à cueillir de la laine, et elle obtint un joli paquet. Mais ses petits yeux chafouins ne purent que remarquer que ça ne faisait pas assez.
Revenant vers la ville avec son maigre butin, elle se demanda comment convaincre Maria que ça suffirait.
Mais le Bon Dieu avait trouvé une solution pour elle.
-Merci, Bon Seigneur!!
Une gamine déboula dans les jambes de la mémé!
-Crénom eud' engeance du diab!!
Une mère affolée sortit de la maison la plus proche, hurlant paniquée:
-Dolly! Dolly! Reviens!
La porte était restée ouverte.. vérifiant que la femme et sa marmousette étaient loin, mémé entra en douce dans la maison, trouva la chambre parentale, souleva le matelas, et l'éventra par en dessous.
-Huhu gnéhéhéhéhé!!!
Elle augmenta le volume de son ballot de laine jusqu'à ce qu'elle décide que Maria serait satisfaite. Sa récolte finie, elle reposa le matelas tout raplapla sur le lit, tendit les draps sans un faux pli, malgré la douleur dans son vieux dos. Par sécurité, elle sortit de la maison par la porte de service, qu'elle avait repérée en débouchant dans la cuisine, à son arrivée.
Guillerette, elle alla voir Maria chez elle...
 

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Chez la Dalton, dans la bicoque de vieilles planches, cloportes, moustiques et termites déménageaient. Quelques lézards morts en d'atroces souffrances jalonnaient les plinthes mal équarries.
La mémé avait encore un flux de ventre.

-Seigneur, bon dieu eud'seigneur, t'étions trop cruiel avec ta fidèle ouaille!

Pliée en deux sur son matelas volé, elle tenait les plis de son ventre entre ses vieilles mains.

-J'allions crever tout' seule!!!

Un autre gargouillis brûlant secoua ses entrailles, et se mordant les lèvres, la mémé rampa hors de la couverture, pour aller vers son seau d'aisance. Elle l'avait déjà vidé dans deux gargoulettes qui s'étaient brisées aussitôt!

C'est qu'elle ramassait des tomates, depuis quelques jours, et gourmande comme un enfant, elle en avait dévoré des kilos!!
-Gnéhéhé... en vlà qu'j'allions point payer!!
Elle avait juré de ne plus bâfrer de baies rouges, mais jamais, au grand jamais, elle n'aurait pris les tomates pour une sorte maléfique de baies rouges!

Mais les faits étaient là, et ça faisait mal!!
Assise sur son seau en fer blanc, se vidant les tripes en grimaçant, mémé avisa le marteau dérobé au shérif. Une idée lumineuse éclaira son visage crispé sous l'effort et la douleur.
-Siegneur, j'te r'mercions d'cte bonne idée!

Oui! Pour oublier qu'elle avait si mal au ventre, il lui fallait avoir mal ailleurs!
Elle se pencha en avant , faisant dangereusement tanguer le seau, pour délacer une bottine. Le mouvement la libéra d'ailleurs d'un trop plein de tomates, dans une explosion sonore.
-Merci, bon Dieu!
Le front sur les genoux, elle attendit et espéra une autre manifestation tonitruante, mais rien ne vint, sauf une autre épouvantable crampe.
-Seigneur eud 'miséricorde, j'avions l'cul en champ eud'fraises, aye pitié d'moué!!
Sans plus réfléchir, poussée par l'urgence, elle attrapa le marteau, et se tapa sur le gros orteil d'un coup sec et décidé!

On dit que le lait des mères qui allaitaient ont tourné ce jour là.
On dit que les vaches mirent bas des veaux mal formés, ce jour là.
On dit que pas un pain ne leva, ce jour là.
On dit que la mémé eut vachement mal, et beugla comme un homme qu'on pend par les castagnettes.

De ce jour, la mémé rendit grâce au Seigneur avec encore plus de ferveur... Mais personne ne sut pourquoi.

Revenons dans la bicoque. La mémé était assise seule au monde, le fondement douloureusement suspendu au dessus d'un seau à moitié plein de tomates mal digérées. Son ventre lui faisait un mal de chien, et Dieu sait que la mémé était pourtant endurante. Mais comme toutes les femmes, mémé supportait mal les maux de ventre. Ce ventre, siège de sa féminité, l'inquiétait dès qu'un symptôme infime, une minuscule colique, le secouait. Mourir d'une balle dans la peau n'apeurait pas la mémé, mais penser à ses anciennes crampes menstruelles la terrifiait encore!

Donc, la pauvre vieille dame avait trouvé sa solution. Et elle tapa fort!
Son ongle sale sauta, le marteau vola, allant esquinter un vautour qui s'était posé sur le rebord de la fenêtre, et qui tomba à la renverse, le crane suintant une humeur de mauvais aloi. Le doigt se violaça, et enfla sans commune mesure. Les yeux de mémé se mirent à larmoyer sans fin, inondant le col de sa chemise autrefois blanche.
-Oh Seigneur, bon Dieu eud'Seigneur, ô Seigneur, ô Seigneur!!
Toutes ses pensées étaient tournées vers son divin protecteur, noyées de reconnaissance et d'envie de gueuler.
-Ô Seigneur, ho putain, Seigneur!! ô Seigneur, ô Seigneur!!
Sa litanie sans fin la soulageait un peu. Enfin, soulageait sa douleur au ventre. Car son pied et sa jambe lançaient tellement d'ondes douloureuses que vraiment, vraiment, son ennui au ventre ne se ressentait quasi plus!
-J'te r'mercions, mon Bon Seigneur! T'étions un genre eud' père, pour moué!

La mémé récura ses fesses avec des affiches qu'elle avait été payée pour poser, mais elle avait oublié. Elle retourna en rampant dans son lit, vidée et soulagée du ventre. De son pied aplati, elle ne se souciait déjà plus, puisque la douleur était voulue, et destinée à camoufler l'autre, l'intime.
Il lui restait une tomate ou deux, dans son foulard noué en baluchon. Elle fit un trou dans l'une, et l'enfila sur son orteil amoché. La fraicheur du fruit la fit soupirer de bonheur.
-Ah, Seigneur, tes voies a zétiont zimpénétrab'!! C'étiont justice qu'la cause eud'ma souffrance soyent la cause eud 'mon soulag'ment!

Le lendemain, la mémé sut qu'elle allait mieux quand les lézards morts au pied de son mur la firent saliver d'envie. Elle se traina bientôt vers son fourneau, lézards et piques en bois à la main, embrocha les bestioles, et les fit frire.
Ensuite, elle vida seau et gargoulettes dans la rivière , un peu en amont des orpailleurs.
Elle revient chez elle en boitant, sans remarquer le vautour étalé au pied de la fenêtre. Dans son malheur, l'oiseau avait eu de la chance, car terrorisés par l'odeur et les cris, pas un des mômes n'était venu alentour, pour jeter des caillasses à l'animal mal en point, comme tous les gamins normaux.
Plus tard dans la soirée, mémé prit l'air à sa fenêtre, fumant la pipe. Elle philosophait avec Dieu, dans sa tête, sur la vie, tout ça... Et quand même, Dieu fit un geste pour l'oiseau de mauvais augure, que les fourmis encore un peu méfiantes, comme tous les insectes du voisinage, regardaient d'un oeil affamé. Il le fit remarquer par mémé.
La vieille dame sortit mi boitant, mi galopant, prête à occire le piaf d'un coup de pelle.. mais Dieu avait instillé un peu de compassion dans le petit coeur Daltonien. Lâchant la pelle, mémé se pencha, et saisit le gros oiseau, dans un effort qui fit craquer son dos.
-Misère eud' misère! T'étions lourd comm'eun genre 'eud'lingot!
L'oiseau se débattit misérablement affaibli par sa lente agonie comateuse, au soleil.
-Oh qu't'étions joli, mon p'tit zoizeau! Tu m'rappelions l'amour eud'ma vie, mon George! T'avions la même houppette déplumée su'l'crane, et l'même cou tout maigr'! AH, Bon Seigneur, merci eud'penser à m'donner un peu d'compagnie sur mes vieux jours!! Joli zoizeau, t'étions un Dalton, à partir eud' ce' moment! Ta mémé allions t' soigner d'ses p'tits doigts eud'fée! J'connaissions eun r'mède magique! Y'm restions eud la tomate! J'allions t'nommer Bush!

Ce soir là, la mémé s'endormit heureuse. Son ventre avait retrouvé sa souplesse, elle avait bien mangé, et elle n'était plus seule.
Bush, lui, dormit résigné sur la tête de lit, enchainé par une patte, une demie tomate sur la tête.
Cloportes, moustiques et termites ne revinrent pas.
Amen.


Blessure Tu manges trop de tomates durant le travail et tu attrapes le mal de ventre. Tu perds 37 points de vie.
 
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Absolument par hasard, Mémé Dalton avait découvert un penchant pour le marchandage. Elle cherchait aux alentour un emploi pas trop mal payé, car son âne lui coutait un bras chaque jour en picotins d'avoine et en carottes! Enfin, les carottes, elle les volait, mais poursuivie par les chiens, elle avait laissé un fond de culotte et un bout de panty fait maison dans les mâchoires d'un molosse.
Revenue chez elle, elle avait baissé culotte, sous l'oeil indifférent de Bush, perché sur le dossier de l'unique chaise de la cabane. Baissant la tête, jambes écartées pour retenir la jupe culotte au niveau des genoux, elle avait constaté qu'au travers de l'entrejambe, elle voyait le sol poussiéreux!

-Misèr'eud misère! Batard eud'cabot!!

L'âne, nommé Hilary, avait passé la tête par la fenêtre, curieux comme une concierge. Un rire le secoua, long hennissement soufflé par les naseaux. Le petit courant d'air fit frissonner le postérieur de la mémé.

-Oy, Seigneur, j'prévoyions un drame si c'que j'croye s'réalisions!

Elle baissa le panty.

-Crénom eud'coyotte eud'batard eud'clébard!!

Son panty chéri.... fabriqué dans la toile de jute d'un sac de patates volées.. panty solide parmi tous! Abimé à jamais d'un trou effiloché! Les fibres déchirées promettaient que jamais on ne pourrait repriser le délicat vêtement.

Il fallait faire une pièce en tissu.

Où trouver du tissu? Mémé alla à la fenêtre, poussa Hilary et regarda les cordes à linge alentours.. que du fleuri, du coloré... du tissu de filles! Berk!
De plus, le shérif semblait l'avoir à l'oeil.. fallait se tenir à carreaux quelques jours.
Il fallait... mémé s'étrangla... l'acheter!

Elle sortit, siffla Hilary, la chargea de ses fontes, avec tout son matériel. Juchée sur une bûche, elle enfourcha la bête passive. Hue!
Et elles partirent sur la grand route de Mojaves.
Une heure plus tard, du haut d'un promontoire rocheux, mémé surveillait la route. Hilary mâchonnait des herbes sèches, sans conviction, indifférente aux soupirs exaspérés de la mémé.

-Bon Dieu'eud Seigneur, m'laissions pas avec le croupion en plein air! Envoyons moué eun marchand eud'tissu!!

Et Dieu adorait sa mémé! Il envoya donc un colporteur sur la route de Mojaves. Ou juste le hasard, peut être.. C'est le grincement des roues du chariot qui réveilla mémé. Elle rampa au bord de l'escarpement, regarda en contrebas. -Gnéhéhé huhuhu...

-Bon Seigneur, t'étions eun mère pour moué!

Elle avait quelques minutes devant elle. Elle dévala la pente du versant caché aux yeux du colporteur, ses fontes à la main. Sur la route ensablée, elle posa un piège... gnéhé! Elle le camoufla d'un buisson sec arraché du bas côté. Et retourna en embuscade.
Le colporteur arrivait en sifflant, marchant paisiblement, la longe de son cheval attelé à la main. Mémé retint son souffle.. il allait passer à côté du piège! Elle jeta un caillou aux pieds de l'homme, qui fit un pas chassé, sur le côté, surpris!

-OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIILLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLEEEEEEEEEEEEEEEE!!!

-GNEHEHEHEHEEEEHUHUHUUUUUUUUUUUUUU

Sa pétoire à la main, elle sortit de de son fourré.

-Bougions point, mon bon vendeur... ça faisions si mal, eun piège coincé dans la ch'ville! Mais piske vous étiont là, j'allions vous y ach'ter eun ptit métrage eud tissu pas trop ruineux.

L'homme coincé dans le piège, menacé par la mémé armée, l'écouta l'air interloqué.

-Madame, délivrez moi!! Pitié!!!

-Mais j'avions pitié! J'avions moué même souffert eul'martyre y'a pas longtemps eud ça! Z'avions de la toile de serge et eun sac eud patates? C'étions pour repriser mon panty!

-Pitié, madame!! Je vous jure de vous vendre ce que vous voulez!! Servez vous, mais délivrez moi!

-Amen! J'r'gardions tout vot' barda..

Elle se mit à fouiller dans le chariot du colporteur en larmes. Elle jeta à terre ce qui ne l'intéressait pas... fourchettes, savons, lotions dentaires, légumes..
Un ballot prometteur révéla quelques métrages d'étoffes robustes.

-Combien vous m'vendions c'te belle toile brune?

-Madddddame, au nom du Ciel, libérez moi.. Prenez tout!

-Goujat eud mécréant! Laissions eul Ciel dans les jardins d'not bon Seigneur! Prend'tout? J'étions point eun voleuse eud grand ch'min!! J'payons, moué, môssieur!

En gage de sa bonne foi, elle montra dans sa pogne sèche une poignée de sous, qu'elle remit en poche aussitôt. Le marchand sanglotait, et n'avait cure de son bon argent. Cela vexa mémé.

-J'l'avions gagné à la sueur eud'mon front! Si nous f'sions affaire, l'étions à vous, m'sieur eul'vendeur.Mais... Vot' prix l'étiont trop ruineux pour moué! J'proposions deux dollars eud moins!

Le colporteur héberlué la dévisagea: -mais j'ai encore rien dit!

-Tut tut tut.. j'vous voyons v'nir! Pour eun dollar, j'prenions tout l'toutim, et vous m'offririons eun sac eud'patates. C'étions pour mon panty. Adjugé!

Enchantée, elle lui tapa sur l'épaule, posa sa pétoire, chargea la toile et les patates emballées sur Hilary, et revint vers l'homme qui tentait de se dégager la cheville du piège.

-Tsst, abîmions point mon piège!! Prenions vot payement, mon brave..

Elle tendit son dollar, l'air aimable, tout en reprenant en main sa vieille pétoire rouillée.. Il le saisit, tremblant et surpris.

-J'vous prenions d'la corde, mais pour vous, point pour moué!

Agitant la gueule noire de son arme, elle se garantit l'immobilité du vendeur. Elle le ligota avec savoir faire, et craquant de tous ses os, -misère'eud misère!, elle déclencha le mécanisme du piège, libérant la cheville blessée.

-C'étions point trop beau, dites! Vot' peau l'étiont ben fragile! C'étions ça, les pieds tendres!

Debout, les mains sur les hanches, face à lui, elle semblait navrée de le voir mal en point.

-Bougions point, fallions saigner point 'd'trop , rapport aux vautours. Mon p'tit Bush l'étiont si gourmand! Allez, j'retournions chez moué! J'vous envoyons du s'cours, si j'en croisions! C'étions eun plaisir insolent d'faire des affaires avec vous! mais gardions l'secret, j'voulions point eud concurrence dans la clientèle!
Allez, hein!! A la revoyure!! Et merci ben!!


Mémé passa sa soirée à chantonner, le ventre plein de patates bouillies, tout en cousant à petits points une belle reprise pour sa jupe culotte et son panty.
Dehors, le piège ensanglanté avait été laissé à même le sol, et les fourmis rouges avaient commencé un nettoyage minutieux et protéiné de l'engin.
Ahhh, c'était si bon, de marchander!!!


Marchander
Motivation 94%
Durée 2 heures
Salaire $ 23
Points d'expérience 5 points d'expérience
Chance 1 Ballot d'étoffe
 
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Hiiiiii, un indien!!

Hilary, mettions zy eun genr'eud ruade dans l'fessard, dont y s'souvientions longtemps!
 

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mémé

c'est pas parce qu'on est indien que l'on a pas d'humour m'dame
 

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J'disions pas l'contrair'!! Mais j'pensions qu'tétions v'nu r'luquer mon derrière dans mon panty!! Ahah, bon dieu eud Seigneur, sauvions ct'indien eud'la débauche!!
Qu'les choses a soyent claires: j'forniquions pas avec les indiens, ni avec personne, inutile d'insister!

Ah, mais!


Bougr'eud débauché!
 

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La mémé était parti outrée, fesses serrées dans son panty en toile à patates. Elle avait fait le tour de sa cabane, fermant chaque fenêtre de son volet amovible, et revenue à l'intérieur, les barra d'une planche épaisse dans les taquets. C'est qu'elle venait juste de décider de rendre joli son sous vêtement, en le décorant sur le devant de la cuisse d'une autre pièce, découpée en forme de colt. Elle savait déjà dans quel tissu elle allait découper le colt. Elle avait volé il y a peu une couverture légère dans un landeau transportant un bébé trop braillard! Au moins, le gosse pleurait pour quelque chose: de froid!
Elle lui avait fait une risette en lui tirant la langue,penchée au dessus du marmot terrifié. Il avait bramé comme un perdu tandis qu'elle s'enfuyait, son larcin serré contre elle, et que la mère affolée sortait du magasin devant lequel elle avait laissé sa progéniture.
Oui, oui, cette petite laine douce serait parfaite!
Elle allait ouvrir son coffre de couture quand quelque chose lui revint en tête.

Elle retourna à une fenêtre, enleva la barre et poussa le volet qui tomba à terre, dehors. L'indien n'était pas trop loin. Elle l'appela:

-Hey, vous là, l'homme, le peau rouge!!! Rev'nions donc ici! J'avions eun question: Vous m'avions traitée eud'madame?

Flattée à l'excès de cette marque de respect, elle se redressa, oubliant son vieux dos craquelé de l'intérieur.

-Ah bé ça alors, vous m'avions traitée eud'madam'!! Vous aimions la tarte aux quetches? Just'ment, la voisine en avions cuisiné tout à l'heure! L'étions à r'froidir à sa f'netre! Bougions pas, j' rev'nions!!

Elle ouvrit sa porte et avec mille ruses, approché la maison de la Monica! Ses tartes et tourtes étaient fameuses, et toujours elle les laissait à refroidir au rebord de sa fenêtre, tandis qu'elle fumait un cigare sur sa terrasse, devant. Elle aimait bien ça, la Monica, machouiller des cigares. Prestement, la tourte fut volée, et mémé se brula les doigts en tenant le plat d'une main à l'autre. Elle sortait juste du four! L'indien respectueux allait se régaler! Il allait découvrir autre chose que le chien de prairie fumé!
Arrivée chez elle, elle jeta plus qu'elle ne posa le plat brulant sur la petite table, et découpa deux parts fumantes.
Posée sur un carreau de toile de jute pliée en quatre, pour protéger sa main, la patisserie faisait saliver mémé. Néanmoins, elle la tendit par la fenêtre vers l'endroit où était l'indien.

-Eun p'tite douceur, mon bon?
 

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La mémé ne chômait pas.
Depuis qu'elle avait intégré Mojaves, la Ténébrane lui faisait faire moultes activités, et si mémé avait retrouvé de la vigueur et un sain hâle, même à l'intérieur de ses rides, elle en avait ras la marmite de ne plus mener sa vie pépère d'antan.
Oh, elle grugeait, et passait de longues heures à cueillir du coton pour le fort.. enfin, à ramasser dans les sacs des autres pendant qu'ils allaient grailler.
Mais maintenant, la Ténébrane voulait du barbelé. Et ça, c'était coton- gné héhé huhuhu- à voler. Ca piquait les doigts.

-Ténébreuse eud malheur!

La nuit commençait à tomber sur mémé qui s'était faite embaucher sur un chantier. La longue clôture de barbelé s'étalait à perte de vue. Le bétail contemplait les ouvriers d'un air placide, mâchouillant de l'herbe par devant, lâchant des bouses par derrière. Mémé avait fait la sieste dans un fourré, et au coucher du soleil, se dit qu'il était temps de s'en aller gagner son pain.

Furtivement, elle alla au magasin de fournitures. Il n'était pas gardé, le contremaitre faisant visiblement confiance à son équipe. Mémé chuchota quelques mots de remerciement, dans le vide.

- Gné héhé.. merci eud ta confiance, patron! J'faisions qu'passer, l'Bon Seigneur en étions témoin! Et pis après, j'irions chez moué, j'avions un vautour à nourrir, avant d'm'e coudre eun panty neuf dans eul drapeau du nord!

Quand ses petits yeux fureteurs se furent habitués à la pénombre, mémé repéra les lieux. Là, une pile de quelque chose...ça brillait un peu.. du métal. Elle s'y dirigea, tâta pour estimer au jugé de quel matériau il s'agissait.

-Ouille, vérolé eud fil eud fer!!!

Barbelé, oui, à n'en pas douter. Elle suçota la goutte de sang perlant à son doigt sale. "Bon Cheigneur, aye pichié d'ton ouaille, et gardzons les microb' loin eud mon chang"
Elle enleva le doigt presque propre de sa bouche, ce serait plus respectueux pour parler au Seigneur. Puis, enveloppant ses mains de solides et épais gants posés là, elle se saisit du rouleau, avec un petit rictus. Ca ferait un joli chapeau à la Ténébrane. Elle prenait la route de la sortie, quand des voix proches l'alertèrent: on venait! Vive comme un serpent, elle se tapit dans l'ombre. Deux ouvriers au dehors s'échangeaient des comparaisons salaces sur les filles du bordel. Les oreilles de Mémé, si prude, tintaient comme le tocsin. "Bon Seigneur, donnions la vérole à ces catins et à leurs clients" Tout en elle lui hurlait de sortir flanquer un bon soufflon à ces dépravés! On ne forniquait qu'en dedans le mariage, et qu'en dedans la mariée!!
Mais elle devait rester discrète, et subir les commentaires de ces mâles si fiers de leurs prouesses. De plus, ils s'attardaient devant le magasin, comme par un fait exprès. Mémé attendait leur départ pour mettre les voiles avec son emprunt..
- Band eud chacals, ouste!!

Mais les imprécations chuchotées de mémé n'avaient aucun effet sur les deux bavards. Mémé commençait à avoir des fourmis dans les mollets, à force de rester accroupie. Alors elle se décida pour une autre tactique. Elle se releva en silence.. -crac crac crac, firent ses vieux os- et soulevant un pied, le passa dans le rouleau, le remonta le long de sa jambe noueuse pour s'en faire une sorte de jarretière. D'une longueur de de ficelle, elle se fit une ceinture, dont elle passa les bouts sous la taille de sa jupe, pour les nouer autour du rouleau tenu autour de sa cuisse: la jarretière tiendrait bien en place.
Puis, elle passerait par l'autre fenêtre, et si quelqu'un la croisait ensuite, il ne verrait pas qu'elle avait volé quelque chose. Gnéhéhé huhu... diabolique mémé!

-Alors les gars, encore à vous vanter?!!!

La forte voix du contremaitre tonna comme un coup de canon! Saisie, mémé s'accroupit encore d'un coup pour ne pas être repérée dans l'ombre du magasin. Et là...
Sa jupe encore relevée s'accrocha dans des outils -des pioches, visiblement- laissant le popotin daltonien, recouvert d'un panty tricoté en rose, offert aux aléas de la vie.
Les aléas en question, c'étaient les rouleaux de barbelé stockés les uns sur les autres, derrière mémé.
Comme sa jarretière très spéciale tenait bien accrochée à sa cuisse, mémé sentit d'abord en s'accroupissant toutes les barbes lui entrer dans la peau de la cuisse, du mollet et du ventre.
-GniiiIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!! Bon Seigneur, Bon Seigneur!!!

Crier en silence, c'était difficile!

Ensuite, et ça mémé ne le sentit pas, la laine de son délicat panty tricoté main s'accrocha dans les barbelés, derrière. Comme mémé se releva d'un bond, pour soulager sa peau lacérée, le bout de laine resta accroché. La lourde jupe retombant autour des jambes de mémé appuya encore sur le fil de laine, qui se détricota de quelques mailles.
Quand elle fit quelques pas de côté, pour s'éloigner vers le mur opposé, mémé sentit de suite les failles de son plan. Les barbes lui entraient dans la peau des deux cuisses.
- Misère eud vérole eud fille eud chacal eud Ténébreuse!!

- Bon, les gars, allez vous coucher, demain ,on attaque à l'aube, le boulot est pas fini! Moi, j'vais fermer les fenêtres du magasin, on dirait qu'il va pleuvoir, cette nuit!

-Bon Seigneur, y'avions urgence!! Donnions moué eul don d'insensibilité, ou donnions à c'fil de fer la douceur d'en ventr'eud bébé coyotte!!

Le Bon Seigneur n'entendit pas cette prière, et sans doute le tonnerre qui grondait au loin y fut pour quelque chose. Mais il apprit à mémé la démarche du pingouin. Sautillant en silence d'une jambe sur l'autre, mémé atteint la fenêtre opposée au contremaitre qui s'était arrêté à la porte, la main sur la poignée pour échanger un dernier mot avec les deux ouvriers.
Mémé s'assit sur le rebord, fit basculer ses jambes par dessus, mordant ses lèvres pour ne pas laisser échapper un cri de douleur.
Elle sauta dehors, juste comme le contremaitre entrait. Et elle s'enfuit à toutes jambes... enfin, en se dandinant au plus vite d'une jambe sur l'autre, les bras écartés pour garder l'équilibre.
Dans le cabanon, le contremaitre fit monter la flamme de sa lampe. Il vit presque tout de suite le fil rose qui courait du stock de barbelés à la fenêtre opposée.

-Qu'est ce que...?

Intrigué, il se saisit du fil, et le tenant en main, il le suivit en le ré-enroulant, jusqu'à l'a fenêtre. Il se pencha vers le dehors, pour scruter dans la nuit maintenant bien tombée. Les nuages cachaient la lune, et on y voyait comme dans le derrière d'un castor! Il enjamba à son tour le rebord, et suivit le fil, reconstituant la pelote. Des fois devant lui, il croyait distinguer une étrange silhouette, comme un ours debout sur ses pattes. Il ralentit, méfiant.

Mémé, elle, avait accéléré vers des arbres, maitrisant bien sa technique de marche. Elle ne croisa personne, tout le monde s'étant terré dans les tentes, en prévision de l'orage. Elle sentait qu'il faisait plus frais, sur ses cuisses lacérées...

Le contremaitre renifla le fil de laine maintenant poisseux: du sang? Il ne comprenait rien à la situation! Il s'obstina et suivit encore prudemment la piste du fil de laine ensanglanté.

L'orage était là, et le ciel se striait de zébrures éclatantes. Mémé atteint enfin le bosquet. La sécurité! Elle emprunta un sentier dégagé qui montait vers une colline, d'où elle pourrait se repérer. C'est quand elle sentit les dernières mailles du panty lâcher, qu'elle comprit qu'elle venait de laisser filer son plus joli sous vêtement! Jambes écartées, elle souleva sa jupe qui bouffa autour de sa taille comme une citrouille bien pleine, maladroite à cause des gants d'ouvriers, se pencha pour regarder les dégats, vit ses cuisses de lapin écorché et l'absence de sous vêtement pour cacher son entrecuisse. Elle hurla de rage et de douleur!

-ARHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH

Le contremaitre était à mi chemin du sommet. Il vit la silhouette d'une bête inconnue se découper au sommet de la colline, alors qu'un éclair déchirait le ciel, rendant la "chose" plus effrayante encore, avec ses pattes maigres et ses énormes mains, et surtout son énorme ventre. La bête poussa un hurlement qui terrifia l'homme. Il entendit encore:

-Bon Seigneur, aye pitié eud ton ouaille!!

C'était la mémé! Le contremaitre comprit aux accents déchirants de la mémé que la bête l'avait attaquée. Il lâcha sa pelote, hésitant. Son cerveau ne lui envoya qu'une information: la mémé ne pouvait plus être sauvée. Il fit demi tour et s'enfuit vers le campement. Demain, on conclurait que la mémé avait été boulottée par un ours, et il ferait dire une messe en sa mémoire.

Sans se douter de rien, la mémé défit la ficelle qui retenait le barbelé à sa cuisse, avec précautions.
-Merci, Bon Seigneur pour ce soulag'ment intense qu'étions eun effet de ta grande pitié pour moué!
Mais l'absence de son panty la lassait songeuse. Elle posa le rouleau de fil dans un fourré, et sous la pluie, redescendit le chemin. Là, son pied buta dans une balle molle et gorgée d'eau, qui rebondit un peu plus loin. Elle se pencha, la ramassa:

-Crénom eud vautour! Mon panty en pelote!!

Interloquée, mais reconnaissante d'avoir retrouvé sa matière première, elle remonta la colline, ramassa le barbelé, et tenant fil de fer et fil de laine, reprit la route de Fort Mojaves.

Le lendemain, au camp, les ouvriers constatant l'absence effective de la mémé, firent donner une bénédiction en l'honneur de la vieille dame. On installa des barbelés autour du camp pour se protéger du retour de la bête, et le chantier finit bien plus vite que prévu.

Mémé, elle, se tricota un nouveau panty, tout en réfléchissant à l'idée de jouer avec une balle, en y mettant des coups de pieds...Non, ça n' amuserait personne.
 
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Mémé charpentait des cercueils.
Mais c'était fatigant.

-Crénom eud morts eud malheur, y zavions point b'soin d'tant eud confort, mon bon Seigneur! Tu pouvions rap'ler tes ouailles à toi dans aut' chos' qu'du cercueil ben luisant?

Oh, oui, raboter les planches jusqu'à avoir le fini satiné d'une fesse de bébé -fichu gniard!, ça vous laissait le bras endolori, la paume de la main luisante et rouge, et ça vous donnait le tournis tellement c'était répétitif. Mais le croque mort les voulait belles, ses marmites à décédés.

Mémé était fatiguée. Plus tôt dans la journée, elle avait avisé les garnitures de cercueil... toile de satin blanc, pure comme la robe de Dieu -t'étions si élégant, mon bon Seigneur!, les coussinets vaporeux et moelleux, comme les nuages du paradis, les capitonnages dodus, comme des joues d'angelots... Le patron, monsieur Labonté, était parti au saloon, -au bordel, oui.. la mémé était seule avec les oreillers et le satin..

-Bonne sieste, mon bon Seigneur, chuchota la mémé ensommeillée, après s'être allongée sur un lit de fortune.
Il était fait d'un métrage de satin capitonné déroulé, et replié en matelas moelleux, d'un petit oreiller volanté, et d'un drap brillant et doux, le tout douillettement installé dans un cercueil ouvert, -le modèle le plus cher du magasin- posé à terre, qui attendait qu'on fixe une croix d'argent sur son couvercle.. Dieu n'eut pas le temps de répondre, la mémé s'était tournée sur le côté, remontant le drap soyeux sur son épaule et ronflait déja..

Ce qui la sauva, c'est le chatouillis provoqué par un petit filet de bave, qui roulait le long de sa joue vers son oreille. Elle se réveilla. Faisant craquer ses vieux os, en s'étirant comme un chat au soleil, elle bailla de contentement, entreprit de sortir du cercueil, pour ranger son matériel de sieste, et effacer les traces de son inactivité.

-Crénom eud mexicains eud malheur, y zavions tout compris à la vie, c'te bande eud paresseux! Les bons américains, y devions travailler, eux, pour gagner honnêt'ment leur pain!

Elle avait à peine ré-enroulé le métrage de satin molletonné qu'elle entendit la porte du magasin s'ouvrir, de l'autre côté de celle de l'atelier et le patron s'annoncer:

-Ma bonne madaââame Dalton, je suis revenuuuu.... vous avez fini le cercueil??

Il l'exaspérait, avec sa voix pointue, ses bonnes façons, et sa manie du travail soigné. Mais il payait bien.

-Crénom, vla eul' pointilleux!

Elle retourna l'oreiller, dans le cercueil, pour cacher la tache de salive noire, - un jour, elle arrêterait de chiquer, promis!- pour faire vite, puis appuya le rouleau de tissu contre les autres, et attrapa dare dare son marteau et des clous. La porte de l'atelier s'ouvrit à cet instant, poussée par un monsieur Labonté tout souriant.
Dans sa précipitation à revenir près du cercueil sur lequel elle travaillait, elle trébucha sur le rabot, qu'elle avait jeté dans un mouvement las, deux heures plus tôt.
Comme au ralenti, mémé se vit tomber en avant, lacher le marteau, ouvrir les mains pour se réceptionner -Ouille ouille ouille, bon Seigneur, pensa la mémé en chutant.
Ah, il l'aimait, sa mémé, le bon Seigneur. Pour aider, il rendit monsieur Labonté vif comme l'éclair. Celui-ci se baissa, attrapa l'oreiller froissé dans le cercueil par terre, et le jeta comme on jette un caillou qu'on veut voir ricocher sur l'onde plate d'un étang.
Pendant ce temps la, mémé avait lâché les clous, qui tombèrent les premiers, juste avant les vieilles mains ridées. Ils étaient neufs, ils étaient pointus, ils étaient de première qualité. L'un d'entre eux perça sans forcer la paume de mémé.

-OUAAAAAAAAAAAAARGGGGGGGgggmmmffffffffffff

Guidé par la main habile du croque mort, ou par la main divine de Dieu, l'oreiller glissa sur le plancher, et cessa sa course juste sous le visage de mémé, étouffant son cri sur la face encore propre du satin.
Sans l'oreiller de Dieu, mémé se fut cassé le nez.
Monsieur Labonté se précipita pour aider la mémé à se relever.

-Ah, ma bonne dame, mais que s'est-il passé, que s'est-il paââssé???

De sa main indemne, encore assise, mémé tenait le coussin plaqué contre sa bouche, autant parce que le contact doux lui rappelait sa divine sieste, que pour se donner le temps de trouver une réponse en faisant croire qu'elle étouffait encore sa douleur dans les replis de l'objet.

-Nfai tnébufné

Ses yeux larmoyants s'épongeaient sur les volants, qui s'auréolaient de taches sombres, tandis que des sillons clairs et propres apparaissaient sur ses joues.
Monsieur Labonté avait souvent déploré le manque d'hygiène de son ouvrière, et n'obtenant aucune réaction, l'avait affectée au rabotage et au cloutage, plutôt que la destiner à garnir de tissu blanc pur l'intérieur des cercueils.
Là, ses yeux s'arrondissaient de consternation en voyant le coussin se salir aux pleurs abondants de la vieille dame. Ca ne se lavait pas, ces précieuses choses-là! Sa pitié et sa commisération firent un pas en arrière.

-Donnez-moi ça, mémé, dit-il en attrapant prestement l'oreiller. Il le fit tourner devant lui, et s'étonna de voir les deux faces salies, et l'une d'elles amplement froissée.-Madaâââme Dalton, comment, mais comment est-ce possiiiible?? Ce coussin, et bien... il est peerdu!

-Heu, ben, j'étions innocente, eum'sieur Labonté! C'étions point moué! J'avions mal.

-Mais qui, quiiiiiiiii, alors??

-Heuuu... eun client!! Eun client qu'avions voulu essayer eun cercueil eud son bon vivant, pour vouèr! L'étions v'nu pendant vous zétions zaux pu***.. hum, au saloon! Y m'avions obligée, eum'sieur! Y s'étions pour ainsi dire allongé eud'dans eul cercueil, et y l'avions essayé dans tout' les positions, mais ch'savions point son p'tit nom. J'avions très mal.

-Mais c'est noir, nOOOIIIIIIiiiir, des deux côtés! Il chiquait aussi, ce client?? Comme vous, vouuuus!!!????

-Ah, pour sur, eul jour ouss 'que la chique elle s'ra rose et verte, j'la chiq'rions avec plaisir, eum'sieur Leprécieux! Vous m'ferions plus suer 'vec ces histoires eud tissu sale, là, eumsieur Lepénibl'? J'étions en train eud me vider eud mon sang, là! C'étions qu'eun oreiller eud malheur, vous m'faisions eun procès pour eun oreiller?? Pour eun fois qu'eun vivant, il y dormions eud'sus, sur vot' matériel, eumsieur Latrocité! Ca vous changions des macchabées, nan, eumsieur Lesadique!

Mémé s'énervait. Elle faisait de grands gestes, avec sa main cloutée, postillonnant des bulles brunes qui faisaient reculer son employeur.

-Ohhhh, madaaaââaame Dalton! Allez chez le médecin, ouiii, le mééédecin, allez-y, dites lui de nous envoyer la note, et ne revenez plus ici! Dehors! Je ne vous fais plus confiiiiance! DehooorrRRRs!


Mémé, ulcérée, donna un coup de pied dans le rabot, qui vola contre le tibia de l'homme.

-Outch!

-Bien fait, bougr'eud calamiteux!

D'un pas décidé, mémé alla chez le docteur, mais en chemin, elle se trouva un air de ressemblance avec le fils de son Bon Seigneur, qui avait fini, lui aussi, avec un clou dans les pognes. Elle pila net au milieu de la route, leva le visage vers le ciel.

-Merci, mon Bon Seigneur... J'entendions ton appel, et j'allions porter la bonn' parole!

Elle avisa un groupe de gamins excités, qui allaient vers la confiserie, des pieces à la mains.

-Hey, les mioches! Ca vous disions eud voir la vraie fille eud Dieu? Contr' vot p'tite monnaie, j'vous y montrions mes estigmates!! QUI voulions voir mes estigmates???


Le soir venu, mémé posa sur sa table une poignée de piécettes, et satisfaite, envisagea de se planter un clou dans l'autre main, pour faire plus vrai. Elle vit le côté peu pratique de la chose quand l'appel de ses tripes la mena droit sur le seau. Le clou gênait. Une éraflure mal placée plus tard, mémé décida en fin de compte de tenter de cueillir des agaves, le lendemain.
Elle extirpa le clou de sa main, nettoya la plaie à la téquila, lécha sa main pour ne rien perdre, et finit la bouteille au goulot. Avec un rot béat, elle s'allongea, posa la tête sur l'oreiller de satin qu'elle n'avait jamais lâché..
Sa carrière de Jésus s'arrêterait là, finalement.

-C'étions pas grave, va! Dormions bien, bon Seigneur

Tu te tapes un clou dans la main. Tu perds 89 points de vie.
 
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