[RP Solo]Un général en devenir; jeunesse, première mission.

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DeletedUser7442

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La lumière vive et crue de cette matinée d’octobre dardait ses rayons inquisiteurs faisant ressortir plus que de coutume le rouge cramoisi de l’édredon en bout de lit qui avait fini par finir là, sa course.
Je m’accordais encore quelques moments de plénitude à rester ainsi à écouter la respiration calme et régulière de ma douce et tendre étendue à mes côtés, en ce jour où j’allais prendre mes nouvelles fonctions à Fort Monroe.

Après avoir servi sept mois à Fort Pulaski, Georgie, j’avais fait mon retour en ma chère Virginie natale retrouvant ainsi mes deux amours, celle qui m’attendait, et l’autre qui m’avait vu naître, ce pays de douces vallées vertes et aux rudes hommes travaillant la terre.
Telle était la Virginie, ma patrie.

Ces sept derniers mois n’avaient pas été les plus exaltant de ma vie je devais en convenir, mais s’atteler à des tâches subalternes comme gérer les stocks et avoir la surveillance de la réfection des murailles de fort Pulaski constituaient ce qu’il convenait de nommer comme « le parcours normal » d’un jeune officier apprenant son métier.
Le tout était pour moi, officier du génie de l’armée, d’être prêt le jour J à ce que le commandement voudrait me faire faire.

Savourant un café bien serré tout en parcourant d’un regard distrait les dernières nouvelles du Western star, je laissais filer mes réflexions, me disant que ces derrières semaines tout avait été bien vite.
De jeune officier prometteur, je passais à jeune officier marié à l’arrière petite fille de Martha Washington, une des familles les plus illustres des états Unis, si ce n’est la plus illustre.
Ma belle mère avait été au comble de la joie lorsqu’il y a deux semaines notre mariage avait été célébré en la propriété même des Washington à Arlington, rachetant un peu aux yeux de tous et surtout aux yeux de ma belle-mère, la grandeur et la décadence d’un père qui, de gouverneur de Province, avait finalement abandonné sa famille criblé de dettes.

En ce qui me concerne, ce point avait, pour un homme d’honneur, plus d’inconvénients que d’avantages et même si ma carrière était chose importante, j’étais cependant loin d’être carriériste comme ne manquerait pas de le soulever les habituels médiocres et jaloux.

Un baiser déposé sur la joue de ma femme lorsqu’elle vint de me rejoindre dans le salon encore un brin sombre avec ses lambris de bois noir et sa cheminée massive en pierre.
Je ne pouvais que sourire à ma douce et si déterminée Mary qui m’avait attendue toutes ces années.
En effet, notre amour d’adolescence avait survécu à mes années d’études à West Point sous la forme d’une correspondance épistolaire des plus tenace et rassurante.

Ce rapide déjeuné expédié, je me mettais en route afin de rejoindre le colonel John.Oswald Simpson duquel je prenais mes ordres.
Une chevauchée de deux jours nous attendait car avant de m’occuper de Fort Monroe, on nous avait assigné à la rénovation d’un vieux pont stratégiquement placé, loin dans l’arrière pays, dans une sombre bourgade des Blue Ridge Mountains répondant au nom de Boiling Spring.

Le voyage fut long et parfois pesant tant la conversation du colonel Simpson était pesante et rudimentaire malgré mes tentatives pour l’alimenter.
L’homme, fils de fermier de l’état de caroline du Sud avait trainé comme un boulet un manque d’intelligence qu’il avait compensé par une obéissance sans faille à la hiérarchie et aux ordres.
Il n’avait eu son grade qu’en récompense de ses bons et loyaux services … et son âge, puisqu’âgé de 65 ans, Simpson aurait du être à la retraite depuis quelques années déjà.
Là était précisément ses deux principaux sujets de discussion, sa carrière et la souffrance que lui occasionnait son mal de dos récurrent ainsi que les interminables lamentations que lui causait ce voyage.

Le laissant larmoyer pitoyablement, je me plongeais bientôt dans de mornes pensées, renforcé en cela par la morosité du paysage de la Virgine automnale que nous traversions alors.
Les arbres n’étaient plus drapés que de quelques pauvres feuilles marron et beige couronnant leur rameaux noirs et dénudés de manière bien macabre.
Le temps n’était pas non plus au beau fixe et un petit crachin venait par intermittence nous cingler le visage.
Les maisons elles mêmes avaient perdu leur magnifique éclat de l’été où le soleil faisant alors ressortir leur façade blanche immaculée. Au contraire, dans la lumière de ce jour blafard, elles semblaient presque lépreuses, la lumière faisant ressortir leur aspect écaillé ainsi que le moindre défaut.

Au début du deuxième jour, nous atteignîmes les premiers contreforts des montagnes et nous laissâmes derrière nous les plaines pour nous engager dans de sombres et imposantes forêts de conifères.
Cela eut pour heureuse conséquence de nous débarrasser de la pluie puisque à l’abri de ses arbres centenaires, elle ne pouvait nous poursuivre.

Au silence de la forêt vint bientôt s’ajouter celle du colonel, qui, rattrapé par sa douleur et la fatigue, avait sombré dans le silence.
A le voir dodeliner de la tête sur sa monture quelques toises devant moi à peine, je me disais qu’il n’était pas au bout de ses peines.
Une épaisse couche d’une mousse verte foncée recouvrait le tronc des arbres les plus imposants ainsi que par endroit le sol.
Rarement j’avais pu voir mousse ayant autant donné envie de s’arrêter pour s’y allonger un instant.

Mais bientôt les arbres se firent de nouveau plus jeunes et espacés et nous ne tardâmes pas à voir apparaitre de courtes maisons d’aspect très trapue et rustiques.
Elles devaient peut-être remonter au temps de la conquête car vraiment elles semblaient anciennes.
A moins que cela n’ait été du à leur aspect plus que délabré et leurs gros rondins de bois grossièrement équarris dont étaient constitués leurs murs.
Ces maisons, au nombre d’une petite cinquantaine, étaient tapies au cœur des Blue Ridge Mountains, au sein même d’une forêt et d’une vallée pour le moins enclavés.

Un petit torrent passait non loin et en le remontant, il était possible d’atteindre un col caché dont les troupes de Washington connaissaient l’existence et l’avaient emprunté afin de prendre à revers les troupes anglaises qui les attendaient de dos, plus bas dans la plaine.
Voilà pourquoi le génie tenait tant à renforcer ce fameux pont en cette sombre bourgade.

Un jeune sergent nous attendait au milieu d’un groupe de bucherons au seul et unique bar de la bourgade.
Garvin, c’était son nom, était un rouquin originaire de la ville voisine au physique des plus ingrat, aux yeux torves et trop rapprochés, laissant préfigurer un manque d’intelligence des plus flagrant.
Il était ici aimé de tous, puisque tous le connaissaient.
Il était l’enfant du pays qui avait réussi dans l’armée et ne manquerait pas de faire carrière, c’était sur.
On réserva un accueil chaleureux à mon colonel alors que pour ma part, je fus bientôt relégué dans mon coin, catalogué déjà comme « jeune intellectuel de la ville ».
Chose qui me fut bientôt confirmé par le regard noir chargé d’ironie que me lança un barman au visage grossier et poilu alors que je lui commandais un brandy.
Alors que je le dégustais, seul, à ma table, certaines bribes de conversations me parvinrent.
On discutait pêle-mêle des prix du bois, de la réfection du pont et de ces satanés indiens qui avaient encore frappé.

La chose me laissa assez interloqué car cela faisait maintenant des années qu’il n’y avait quasi plus d’indiens en des terres situées aussi prêt de la côte Est.
Et quand bien même, les survivances de leurs croyances auraient du disparaître pour qu’ils se fondent dans le creuset proposé par le gouvernement des états Unis.
Mais bientôt un autre élément me revint en mémoire. Il ne m’avait pas frappé sur le coup, relégué dans les colonnes secondaires du journal, mais le fait est que je me souvenais avoir lu dans le Western Star peu avant de partir, une sombre histoire de lynchage d’indiens qui avait mal tourné.
Un indien avait été tué, battu à mort, sa veuve laissée pour morte et l’enfant avait disparu.

Je compris alors que j’avais à faire à deux forces en présence en ce coin reculé.
Les guerres indiennes étaient achevées en cette contrée vivant loin de tout, mais des clivages profonds étaient toujours présents là où les restes d’une tribu indienne subsistait.
J’appris plus tard que les indiens revendiquaient la possession de ces bois comme demeure de leurs ancêtres et d’un grand esprit, alors que la communauté blanche de bucherons y voyait une manne financière importante et des revenus substantiels après tant d’ années à trimer dur du temps des pionniers et de la colonisation.
Dans l’ouest, c’était souvent comme cela qu’on réglait les conflits.
La présence de l’armée devrait rapidement mettre fin à la querelle, surtout avec l’arrivée du colonel Simpson.
En plus du pont, nous mènerons à bien cette mission de pacification.

Dans les jours qui suivirent nous nous rendîmes sur le chantier du pont où j’eus à faire divers plans et devis ainsi que l’inspection des environs à des fins de cartographie.
A ma grande surprise le colonel resta à la demeure réservée aux gradés de l’armée en compagnie du jeune sergent qu’il avait visiblement pris d’affection.
Le colonel ne daigna pas aborder avec moi la question des indiens.
J’eus cependant bientôt l’occasion d’en parler avec mon guide, un indien qu’on m’avait assigné avec mépris et dégout comme si, tous les deux, nous allions bien faire la paire.

Une fois la confiance de l’homme conquise, et voyant que je n’étais comme ceux de Boiling Spring, il m’apprit qu’il venait d’une tribu des grands lacs située bien plus au nord d’ici.
Il avait été affecté là après mutation car il avait servi en tant qu’éclaireur dans l’armée des états unis.
Je fus aussitôt frappé de ce manque de reconnaissance pour un homme , certes indien, mais qui avait rendu de si grands services à la nation et combattu sur maints champs de bataille.

Lorsque je voulus aborder avec lui la question des indiens vivants en ces montagnes il ne voulut me répondre.
Je dus finir de gagner sa confiance, ce qui fut chose faite après une semaine entière à passer nos journées ensembles ainsi que nos repas.
Il m’apprit que la tribu vivant ces montagnes avait toujours eu, de tout temps, une réputation à part et à vous glacer le sang parmi les autres tribus indiennes au point que même lui en avait un peu entendu parler durant sa jeunesse à des centaines de kilomètres de là.
Cette tribu était une des plus vieille du continent, on disait même qu’ils étaient à part, qu’ils étaient déjà là lorsque le territoire des indiens s’agrandit jusqu’à recouvrir toute l’amérique du nord.


Ils avaient toujours tolérés les tribus indiennes, mais lorsque cela se passait mal et qu’il y avait un conflit on avait toujours retrouvé le camp des leur ennemis incendiés sans qu’on eu jamais en revanche trouvé trace des corps.
On disait que les collines avaient retenti de bruits affreux des jours durant et qu’une terrible cérémonie avait eu lieu.
Un pacte aurait en effet été scellé entre cette tribu des âges anciens et les esprits du mal.

Les jours suivants, les travaux du pont avançant bien je m’octroyais quelques flâneries en compagnie de mon guide afin de mieux connaître la région et en appréhendait les aspects tactiques au niveau du relief et de la géographie.
C’est durant l’une d’elle que je tombais sur une scène des plus violentes.
Guidé par le bruit des cognées et désirant quitter un instant l’étrange sentiment d’oppression dégagé par ces sombres bois, nous arrivâmes aux abords d’une zone de coupe où bientôt le travail s’interrompit.
Qu’elle ne fut pas ma surprise de voir le sergent Garvin qui, à la tête du groupe de bucherons et quelques soldats étaient entrain de passer à tabac deux indiens.

Mon guide et moi eûmes à peine le temps d’approcher que, déjà , les deux indiens avaient fuit après avoir été mis dans un sale état.
Après une sévère réprimande aux hommes et un regard noir au sergent qui n’hésita pas une seconde à soutenir mon regard, il est vrai que je n’étais qu’un échelon au dessus de lui, il n’avait aucun ordre à recevoir de moi, je repris bientôt la route.

Lorsque je revins à la nuit tombée à mon logis le colonel m’y attendait furibond et je dus subir ses remontrances pour n’avoir pas laissé le sergent « corriger » ces pleutres, ces fourbes, ces bons à rien d’indiens.
Le lendemain matin, la situation de se dégrada encore d’un cran lorsqu’il fut constater que cinq enfants avaient disparu pendant la nuit.
Certains prétendirent avoir entendus toutes la nuit résonner les collines des tambours de ces satanés indiens qui avaient du se livrer à l’une de leurs « saloperies » de « messe noire ».

Bientôt les esprits s’échauffèrent encore, le petit sergent n’y fut pas pour rien.
Il partit bientôt regrouper ses hommes avec la promesse de revenir dans une heure à peine renforcer un bon groupe de bucherons déjà armés et prêt à partir en expédition afin de secourir leurs enfants.
Lorsque la troupe se mit en marche et que j’enfourchais ma monture, le colonel me fit signe de descendre de cheval d’un geste autoritaire.

Il n’avait visiblement que peu gouté à mes conseils et récriminations afin de calmer le jeu.
Les bucherons avaient eux aussi leur torts contre ces populations indiennes.
Les caisses de fusils qu’amenèrent avec eux les soldats et qui furent bientôt distribués à la population me laissèrent présager du pire, mais cantonné à un rôle d’observateur, je n’eus d’autre choix que de rester à Boiling Spring.

Alors que je marchais nerveusement devant le bar, je croisais mon guide qui prenait visiblement la route .
Il me dit alors qu’il partait le plus loin possible de cette vallée maudite d’où l’homme blanc , ce soir, ne serait plus.
Bien sur cela n’arrangea pas mon état nerveux alors que toute la vallée semblait soudain s’être dangereusement animée.
Pour la première fois je prenais conscience de la noirceur étrange de ces bois et surtout, leur âge, leur âge par trop grand pour une forêt de ce coin des Blue Mountains.
Quelque chose n’allait pas et un drame se préparait.
Si seulement ce benêt de colonel ne s’était pas fait aveugler par ce sordide sergent, la paix aurait pu être sauvegardé au prix de longs et patients pourparlers afin que justice soit et que les coupables, tous les coupables, soient jugés.

A la nuit tombée quelques rares coups de feu furent tirés, allant toujours plus s’éloignant de la bourgade.
La nuit était tombée et tout était redevenu calme, pour autant les hommes de l’expédition n’étaient pas rentrés.
Se fut peu avant minuit que CA commença.
Les collines s’emplirent d’une sarabande infernale de tambours, tous semblant rythmer une danse bien précise et dont les résonnances étaient clairement macabres et sinistre.
Mais bientôt des chants furent audibles et s’ajoutèrent au rythme de plus en plus effréné des tambours.
Ces chants, ou plutôt ces cris car bientôt on put entendre de longs hurlements vous glaçant d’horreur tant ils n’avaient absolument rien d’humain.
On eut dit que ces cris appelaient, précédaient une venue, une venue attendue depuis des années.

Nous étions alors le 31 octobre, la fusillade débuta vers 3h00 du matin alors que les cris étaient à leur paroxysme et que le rythme des tambours confinait à la transe.
Le vent s’était levé et les cimes des arbres s’agitaient comme jamais.

Ce que je connais de la suite de cette histoire qui ne trouva en échos que quelques lignes dans les journaux, me fut raconté par mon colonel dans un état d’hystérie complet et aux portes de la folie.
Il fut le seul survivant de l’expédition et ne dut sa survie qu’au fait que son cheval soit mort sur lui, lui broyant une jambe au passage et l’immobilisant, mais le sauvant.
Ce ne fut que deux jours plus tard, avec une poignée de villageois je le retrouvais au beau milieu d’une scène à peine croyable digne de l’apocalypse de Saint jean.

Au sommet de la colline tout avait été brûlé comme si la foudre avait tombé là, les cimes des arbres cinquante mètres plus loin avaient visiblement elles aussi pris feu.
Partout des corps, des corps figés dans l’horreur dont on fut bien en peine d’en saisir les causes de la mort.

Il nous fallut une semaine pour ramener tous les corps des villageois.
De la manière la plus incompréhensible qui soit, nous ne retrouvâmes aucun corps d’indiens alors que leurs vêtements gisaient un peu partout sur le sol.

Lorsque des mois après cette affaire je vins rendre une visite de politesse au vieux colonel Simpson en son sanitarium, il me dit dans un accès de fièvre et de délire qu’il avait vu, aussi bien qu’il me voyais là, devant lui, un être de noir drapé, aux dimensions non humaines car avoisinant avec une maison, terrasser du regard un par un les villageois, puis dans un geste protecteur, envelopper en sa noirceur l’essentiel de ses adorateurs qui disparurent sans coup férir suite à cela comme le brouillard après la pluie.

Alors que je quittais la pièce, il marmonna ces quelques mots :
« Ne réveillons ce qui a jamais dort, ne foulons jamais du pied les vieilles croyances car le mal est là et veille.

J’ai vu ce que je n’aurai du voir.»

J’appris avec tristesse que le vieux colonel mourut le mois suivant d’une crise cardiaque alors qu’il était à sa fenêtre…


Trois clins d’œil à deviner :
Facile : une époque de l’année.
Moyen : un personnage historique
Plus dur : un écrivain célèbre, un maître du genre.

;)

Un ptite musique d'ambiance: http://www.youtube.com/watch?v=2SPaxspxXDw
 
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