Un rêve brisé

  • Auteur de la discussion pytanga
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"Plume de corbeau" émit un sifflement et s'appuya contre un arbre pour observer le convoi, qui se composait d'une dizaine de chariots. Accoutumé à la pénombre du sous-bois , il dut plisser les yeux pour regarder vers le sud où la prairie ensoleillée irradiait une lueur aveuglante. Malgré cela, son regard suivait les minuscules points qu'il savait être des humains. Le groupe, qui se trouvait actuellement à une demi-lieue, effectuait une boucle et se dirigeait vers le gué de la rivière Reflet d'Etoiles.
Les chariots semblaient lourdement chargés, car ils avançaient lentement bien que la piste fût sèche. Comme il n'avait pas plu depuis longtemps, ils auraient pu traverser en aval, mais les voyageurs avaient l'air de tenir à traverser le gué.
Un léger bruit de pas lui fit comprendre que son appel avait été entendu. "Œil de lynx", une jeune guerrière, apparut entre les arbres et rejoignit son poste d'observation.
— Tu crois que ce n'est pas bon signe ? demanda-t-elle, la main en visière.
— Je ne sais pas. On dirait qu'ils suivent la route. Mieux vaut les surveiller quand même.
Les indiens n'avaient aucune prétention sur le passage du gué car, pour eux, leur territoire s'arrêtait à la lisière de la forêt. Au-delà, c'était la terre inconnue.

De temps en temps, les visages pales se faisaient la guerre pour la possession de ce secteur, mais cela ne concernait pas les habitants de la forêt. Tant qu'ils se limitaient à suivre la route de la plaine, ils n'avaient rien à craindre des indiens. S'ils essayaient de pénétrer dans la forêt, ils devaient mourir.
 
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Les visages pales ne respectaient pas la nature, ils coupaient les arbres pour les brûler ou pour servir à leurs constructions. Depuis qu'ils étaient venus sur le continent , ils avaient ravagé des bois entiers. Le chef de tribu, le maître des indiens iroquois, avait fait le serment de protéger cette forêt.
— Ils vont vers le nord, dit "Plume de corbeau", soulignant l'évidence.
— Tu crois qu'ils s'en vont, une fois de plus, coloniser le nord du canyon ?
Les deux indiens connaissaient les résultats de la première tentative des étrangers visant à s'approprier la région des collines septentrionales, au-delà du canyon.
Pendant cinq ans, ils avaient combattu pour repousser les envahisseurs qui, s'étant approchés de la forêt, avaient commencé à abattre des arbres pour faire du feu. Les visages pâles, venus des régions situées au sud des Montagnes du Corbeau, la plupart sous la houlette du puissant chef "taureau furieux" avaient repoussé les intrus.
Les survivants, dégoûtés, s'en étaient retournés vers le sud, toute velléité d'invasion abandonnée.
Sous le regard des indiens, les chariots avaient traversé le gué et fait halte pour la journée. Les visages pâles firent boire leurs animaux et les mirent au pâturage ; eux-mêmes s'égaillèrent dans la plaine pour moissonner de longues herbes sèches. Une demi-heure après leur retour au convoi, des filets de fumée s'élevaient du campement.
Les guetteurs échangèrent un regard entendu : ils savaient qu'une légende était en train de prendre corps sous leurs yeux. Ni l'un ni l'autre n'avaient participé aux batailles occidentales, au cours de l'époque des Troubles, mais ils connaissaient les contes parlant du pasteur Gilbert et de sa fille adoptive Pytanga.
 

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On disait que la jeune femme, élevé dans la forêt, avait appris d'une famille iroquoise l'art typiquement indien de couper les herbes sèches, de les tresser et de les utiliser pour cuire les aliments.
— Au moins, ils n'en veulent pas à nos arbres..., dit doucement "Plume de corbeau".
— Oui, mais s'ils avancent davantage vers le nord, ils provoqueront des problèmes avec les sioux, fit remarquer "Œil de lynx", les yeux pleins de colère.
Beaucoup d'habitants de la foret en voulaient aux visages pâles d'attirer sur la forêt les attaques des armées du monstrueux chef sioux. C'était notamment arrivé quand les colons avaient essayé de conquérir le canyon.
— Cela ne nous concerne pas, à moins qu'il ne cherche encore le Portail sacré... Il faut quand même que notre chaman et le chef sachent que les étrangers remontent vers le nord.
Va porter l'information au village.
Sur un signe de tête, la guerrière s'éclipsa. Sachant qu'elle n'était pas habituée à la forêt profonde, "Plume de corbeau". lui siffla un avertissement, qui s'avéra inutile. Elle tourna la tête et s'enfonça dans les broussailles, disparaissant ainsi à tous les regards, sauf à celui des indiens. Elle leva les yeux, évita la boucle d'une liane étrangleuse, qui tombait-d'un arbre, puis disparut, dissimulée par l'épaisse futaie des arbres centenaires.
A vingt pas de "Plume de corbeau" pendait le squelette en haillons d'un malheureux prospecteur, qui avait glissé et s'était laissé attraper par une liane étrangleuse. Les indiens appréciaient les pièges naturels de leur habitat, car ceux-ci constituaient une protection efficace contre les intrus.
La forêt profonde était pleine de dangers ; "Plume de corbeau" avait entendu dire que les autres peuples croyaient qu'il en était de même pour tout le continent. il vaut mieux qu'ils ignorent tout des beautés des profondeurs sylvestres, pensa-t-il. En cela, il partageait la conviction des siens.
Le lendemain matin, les chariots se remirent en route. Vers midi, ils étaient hors de vue des indiens.
"Plume de corbeau" se détendit et jeta un dernier coup d'œil sur la plaine, mais ses pensées étaient entièrement absorbées par la forêt : il était en communion parfaite avec les arbres. Se fondre avec les arbres était l'activité favorite des indiens, même des plus anciens qui avaient pourtant autour de mille ans.
Toutes les heures, "Plume de corbeau" jetait un coup d'œil sur la plaine. Vers le soir, il vit quelque chose bouger. Une silhouette se dirigeait vers la foret. visage pâle ou indien ?
Le voyageur était encore trop loin pour qu'on se prononce sur son identité, mais il marchait vers la forêt. "Plume de corbeau" se glissa à l'abri de l'ombre et se cacha derrière un buisson épineux.
Quand l'indien distingua l'étranger, il sentit les poils de sa nuque se hérisser.
Une femme, grande, très grande pour sa race. C'était une guerrière armée d'un grand coutelas. glissée dans un fourreau de cuir accroché à sa ceinture, d'un arc long et d'un carquois plein de flèches. elle était vêtue comme un homme, de larges braies et d'une fine chemise, qui empêchait les rayons du soleil de chauffer les armes qu'elle dissimulait. "Plume de corbeau" reconnut le faible éclat du métal sous le vêtement. La femme ne portait rien sur la tête.
A cause de la chaleur, un couvre-chef se fût transformé en étuve, elle marchait comme une indienne.
 
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En général, les visages pâles attaquaient le sol du talon, comme s'ils voulaient le soumettre à leur volonté ; les indiens manifestaient pour la nature le respect qui lui était dû, leurs pieds effleuraient le sol, demandant la permission de passer.
Ce respect pour la terre leur était inculqué en même temps qu'ils apprenaient à marcher . les pas d'un indien étaient naturellement si légers qu'ils n'étaient audibles — et encore — que pour leurs semblables.
El qu'en était-il de cette femme ?
La façon de se déplacer de cette femme était déconcertante. En outre, son regard ne plut pas à "Plume de corbeau". Cette guerrière était préparée à mourir ; à la différence d'un chevreuil ou d'un lapin, elle n'était pas du tout prête à se laisser immoler.
Cette femme s'en irait dans l'au-delà en combattant comme un puma pour ses petits. Elle emmènerait même volontiers son adversaire avec elle dans l'autre monde.
La femelle était une guerrière, chaque détail de son corps en donnait la preuve.
Encadrant un visage ovale sans grand charme, ses cheveux châtains clairs, coupés court à la façon des combattants ondulaient à chaque pas. Ses yeux, couleur de ciel bleu, scintillaient d'intelligence et enregistraient tout ce qui l'entourait. Son regard s'arrêta soudain sur le buisson où "Plume de corbeau" était embusqué. On eût dit qu'elle le voyait.
Impossible ! L'étrangère était toujours dans la lumière du soleil et "Plume de corbeau" se cachait derrière un épineux, au cœur de l'ombre épaisse de foret.
Malgré cela, l'étrangère dirigea son regard sur lui, comme si elle cherchait ses yeux.
Pourtant victorieux de force batailles, "Plume de corbeau" sentit qu'il n'avait aucune envie de combattre cette intruse.
Mais sa mission étant de garder la forêt profonde, il ferait son devoir. Quand la femme fut assez près, il sortit de sa cachette et lança un avertissement :
— Prends garde, étrangère ! La mort attend tout homme ou femme qui entrerait dans la foret !
Si tu cherches de l'eau, il y a une rivière à une demi-heure vers le sud. Si tu as besoin de combustible pour faire du feu, je t'expliquerai comment utiliser l'herbe de la plaine.
Certains guerriers, qui avaient de bonnes raisons de détester les visages pâles, auraient refusé de montrer aux voyageurs comment tordre et tresser les herbes sèches pour les faire brûler. Mais "Plume de corbeau" eût jugé indigne de laisser mourir un être qui ne souhaitait que survivre.
L'étrangère continuait à avancer ; l'indien dégaina son couteau.
— Rentre ta lame, dit la femme. J'ai l'autorisation de votre chef. Je n'ai pas d'intention belliqueuse. Je cherche le Bocage Muirien.
Sans l'avoir jamais vue, "Plume de corbeau" reconnut la guerrière et son sang se figea. Son courage ne faisait aucun doute, pourtant, du premier coup d'œil, il saisit qu'il était inutile de lever l'arme contre cette créature. Maintenant, il comprenait le pressentiment, qui l'avait envahi plus tôt.
— Tu es Pytanga, dit-il d'une voix mal assurée.
Il n'y avait que trois ans et demi que le chef de la tribut était mort, mais la fillette que "aigle noir" avait élevé et, qui avait combattu à ses côtés était déjà devenue une légende parmi les indiens de la foret.
— En effet, je suis Pytanga, répondit la femme.
A son tour Pytanga regarda l'indien. Celui-ci émit deux suites de trilles qu'une oreille non entraînée aurait prises pour un chant d'oiseau. La première signifiait que le voyageur n'était pas un ennemi. La seconde demandait qu'un autre guerrier vienne prendre sa relève. Pytanga comprit le message et en fut contrarié. Elle tenait à être seule pour effectuer son parcours dans la foret et revivre ses souvenirs.
— Je n'ai pas besoin qu'on m'accompagne, dit-elle sèchement.
Ce refus parut accabler "Plume de corbeau". Ses yeux, alors qu'il regardait la femme, étaient pleins de la tristesse que les siens ressentaient à proximité de la mort. Convaincus que la disparition d'une vie, particulièrement celle d'une créature née pour être porteuse de la vie future, était une perte épouvantable, les indiens menaient le deuil avec force démonstrations. Mais Pytanga était certaine qu'ils ne seraient jamais plus affligés qu'elle-même.
— Je suis le guerrier "Plume de corbeau".
Mes amis te laisseront passer avec bienveillance, mais tu dois être accompagné. Beaucoup de nouveaux sont arrivés dans la foret depuis ton départ. Ils essaieront de te chasser. Si tu recherches la mort, Pytanga, tu ne l'obtiendras pas de la main de mon peuple.
Pytanga maîtrisa sa contrariété. Si son père adoptif pouvait la voir derrière le Portail, il désapprouverait qu'elle entre en conflit avec la nouvelle génération d'indiens qui se chargeait de protéger les confins occidentaux de la foret. Pytanga hocha la tête et accepta l'escorte, mais l'indien allait être surpris par le chemin qu'elle avait l'intention de prendre. Elle suivrait un parcours sinueux à travers la forêt pour approcher le bocage.
Ce serait une aventure historique, avec un arrêt à chacun des endroits marquants de sa vie.
Au cours des trois dernières années, Pytanga avait voyagé sur les territoires des visages pâles. Elle avait vu leurs dirigeants se battre entre eux et elle avait été témoin de leurs intrigues. Sauf quand on avait loué ses services pour escorter une famille de fermiers de Lofton, en Caroline du nord, jusqu'aux terres fertiles proches du Texas, elle avait toujours eu l'impression de perdre son temps. Ses congénères , avec leur soif de pouvoir et de richesse, l'avaient dégoûtée.
"Plume de corbeau" avait deviné juste : Pytanga était prête à mourir. Elle était revenue pour ouvrir le Portail. Soit elle délivrerait son père du Monde de l'Ombre, soit elle y resterait avec lui. Elle ne souhaitait pas mourir. Mais même si elle devait donner sa. vie pour ça, elle rejoindrait "aigle noir", qui avait été le père, le maître, l'ami et le compagnon de combat le plus brave et le plus loyal qu'elle ait jamais connu......
 
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Pytanga quitta la plaine ensoleillée et pénétra dans l'épais sous-bois. Le chant de l'indien, émoussait les piquants des épineux, était à peine perceptible. Pytanga comprit que, sans le garde, elle n'aurait pas pu passer. Sa voix à elle était plus forte, plus rude, moins douce à l'oreille... Elle prit néanmoins un itinéraire légèrement différent, traçant son propre chemin.
Son compagnon lui lança un regard surpris, cessa de chanter et lui emboîta le pas. Pour les yeux comme pour le cœur de Pytanga, l'obscurité était un baume bienfaisant.

Pour les humains ordinaires, celle de la forêt était effrayante, car elle lui donnait une apparence impénétrable.

Mais pour ceux qui comme elle y avaient été élevés, les infimes marques sur le sol, sur les buissons et sur les lianes, indiquaient des passages. Ici marchait un peuple qui honorait la vie dans chaque plante et chaque arbre, un peuple qui ne cassait pas de brindilles et ne dérangeait pas les feuillages. En retour, la végétation lui permettait de passer.
Une demi-lieue plus loin, Pytanga arriva au pied d'un vieux chêne. Ses branches épaisses et ses grandes feuilles mortes formaient une voûte sombre qui disparaîtrait au printemps, quand la repousse des jeunes feuilles forcerait les vieilles à tomber.
Quand Pytanga avait vu l'arbre pour la première fois, celui-ci était couvert de jeunes feuilles et il paraissait plus grand. Mais à cette époque, elle-même était plus petite.
Elle avait trois ans et neuf mois...
Cela faisait presque vingt ans qu'elle s'était blottie au pied de cet arbre, à l'âge où il essayait de comprendre le monde des adultes. elle avait revécu ce jour fatidique un nombre incalculable de fois, en pensées comme en rêves.....
 

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........Oui, elle avait revécu ce jour fatidique un nombre incalculable de fois, en pensées comme en rêves..... comme elle avait imaginé la création de leur monde par cet être a qui elle n'osait pas donner un nom, ce pur esprit qui avait eu la bonté de les créer.

Dans la splendeur de sa solitude, le Dieu rêvait... Il observait les étoiles de la Voie Lactée, resplendissante comme une poudre de diamant, et rêvait d'un monde où tout serait parfait, où tout aurait été créé par sa volonté.
Sur le bord de la galaxie, en un lieu qui lui sembla propice, il créa une boule de feu et la revêtit des différents matériaux existant dans l'immensité des cieux.

Il choisit avec soin les métaux et les gemmes les plus précieuses qu'il trouva, pour les enfouir dans les entrailles de cette terre qu'il décida de baptiser The West......
Satisfait de sa création, il s'occupa de l'embellir, mobilisant pour cela toute sa puissance créatrice. Il modela des montagnes pour donner du relief, il creusa des vallons qu'il couvrit de forêts aux mille senteurs. Il accumula les nuages pour arroser ce jardin qu'il venait de créer.

Végétaux et minéraux venaient de faire leur apparition sur The West.......
Pourtant il manquait encore quelque chose. le Dieu avait une imagination sans limite, et dans un élan de créativité, il fit naître ce que l’on appelle encore aujourd’hui les premiers êtres ou plus communément, les esprits des " Anciens".

Si des millénaires ne semblent que poussière à l’échelle d’un Dieu, ce temps passé représenta une éternité pour de nombreux Premiers.

Lassés d’une existence devenue monotone, certains d’entre eux
commencèrent à tourner en rond, restant des mois entiers enraciné à un même endroit, ce qui contraria beaucoup le grand Créateur.

Avait-il été trop ambitieux?
Certains Premiers décidèrent alors de s’endormir, d’autres s’éteignirent purement et simplement.

D’autres encore, continuèrent à évoluer sur The West en vivant une vie de reclus, loin de tout, en complète autarcie.

Dieu décida alors d’agir et de relancer son génie créatif. Il revit ses ambitions à la baisse, mais cependant, en son for intérieur il savait que cette dernière vague créatrice scellerait le destin de The West à jamais.

Son souffle divin réveilla les vents qui désormais allaient colporter les semences nouvelles sur tout le continent.

Il peupla le territoire d'insectes et d'animaux les plus variés, adaptés aux différentes zones climatiques ou géologiques.

Pour faire vibrer les cieux, on vit apparaître des oiseaux et dans les océans des créatures plus étranges les unes que les autres.
Enfin pour s'occuper et prendre soin de sa création, Dieu imagina une créature dotée d'une grande
intelligence et de facultés supérieures à celles des autres... Il venait de créer les êtres humains.
 
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