Une âme solitaire

  • Auteur de la discussion Billy Market
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Sortant du corral en tirant à sa suite un jeune cheval encore récalcitrant, Billy jeta un œil vers l’horizon poussiéreux. Aussi loin que se portait son regard in ne voyait que la nature sèche et sauvage de l’Ouest. Le soleil de plomb semblait troubler la surface du sol décharnée sur laquelle peut de verdure pouvait s’accrocher.

Mort, désolation, solitude. C’était les mots que lui inspirait le décor qui l’entourait. Lui qui rêvait de richesse et de gloire alors qu’il était encore William Henry Market, sage fils d’épicier dans l’Est du pays qui n’aspirait qu’à conquérir le Far-West, avait maintenant perdu tout espoir. A présent il n’était que Billy, simple cow-boy en vadrouille, allant de ferme en ferme, de ranch en ranch, s’arrêtant parfois en ville pour une nuit, un verre ou une femme.

La corde qui retenait l’animal coula dans sa main alors que celui-ci, percevant probablement l’absence de son geôlier, tentait de repartir vers de plus verts pâturages. Billy sera le poing, les dents également en sentant le chanvre lui mordre les chairs alors que la corde glissait rapidement sur sa paume. Il allait en garder la trace, longtemps sans doute, mais s’il perdait l’animal il risquait bien plus. La bête stoppa docilement en sentant que l’homme était de retour et se laissa de nouveau guider vers l’étable. Billy le remit rapidement dans son box et retourna à l’extérieur. Assis sur une souche, il commença à nouer son mouchoir autour de sa main pour protéger la blessure tout en reprenant son exploration du paysage.

Ca et là, tentant vainement d’atteindre le ciel, il voyait un arbre difforme à l’écorce ridée et dont le peu de feuille restantes n’étaient que d’un vert pale. En comparaison des arbres de sa jeunesses, celui-ci paraissait vieux, rabougri, mourrant. Un Tumbleweed passa en roulant, sautant sur les pierres qui étaient sur sa route, une plante morte portée par le vent qui espère semer la vie ailleurs. Plus loin une carcasse d’animal dont les vautours et les coyotes n’avaient rien épargné gisait comme une pancarte avertissant le visiteur qui viendrait se perdre ici : « Toi qui entre ici abandonne tout espoir ».

Le soleil commençait à lancer ses rayons rougeoyants alors qu’il descendait lentement derrière les collines Fisher. La nuit allait tomber et l’homme savait qu’il ne valait mieux pas rester dehors. Si le jour n’était qu’image de mort, la nuit elle en était un gage. Billy se releva et se dirigea vers la grange ou il dormait depuis qu’il avait pris ce travail de dresseur de chevaux. Lorsqu’il se jeta sur la paille après avoir ôté son gilet, ses bottes et son chapeau, il se ferma les yeux pour continuer à réfléchir. Peut être n’était-ce pas une si bonne idée de venir dans l’ouest. Lui qui avait toujours vécu au milieu de ses semblables, qui voyait tous les jours venir d’innombrables clients à l’épicerie de son père se sentait simplement seul ici au milieu des vastes étendues sauvages.

Peut être devrait-il s’installer dans une ville et y trouver un emploi. Epicier pourquoi pas ? Mais les rares villes qu’il avait croisées sur son chemin n’étaient guère plus attrayantes que la tanière d’un ours et il s’était résigné depuis bien longtemps à en trouver une qui en vaille la peine, tout il avait renoncé à ses rêves de richesse, tout comme il avait renoncé à tout et attendait simplement la fin en espérant qu’elle ne tarderait plus.

Mais demain… Demain peut-être ? Comme chaque soir avant de sombrer dans le sommeil, il espéra une seconde que peut être demain passerait par le ranch un homme venant acheter des chevaux. Que peut être cet homme viendrait d’une ville comme il faut. Que peut être il partirait avec lui… Peut être… Il s’endormi.
 

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A l’horizon se dressaient les massifs rocailleux, pointes de pierres jaillissant du sol comme les doigts fripés d’un géant enseveli. Billy ignorait ce qui avait pu les créer, il avait lu quelques articles de géologie à l’occasion pendant qu’il traversait les grandes étendues mais son éducation ne lui permettait guère d’en comprendre beaucoup. Elles se tenaient là, droites comme des i, leur surface érodée par une force qu’il ne pouvait se représenter. Entre elles, tout n’était que poussière rouge et volatile parsemée de quelques touches d’un vert sans éclat. Le relief lui-même semblait avoir renoncé, à l’exception des piliers rocheux tout était plat, balayé par un vent dont rien n’entravait l’avancée. La maigre végétation ne tentait pas non plus sa chance, elle se contentait de ramper près du sol, préférant utiliser son peu de force à se doter d’épines ou d’autres artifices de défense plutôt que de grimper vers le haut comme n’importe quelle plante digne de ce nom.

Le ciel lui était d’un bleu fort et pur, sans nuage ni nuance dans lequel trônait l’astre du jour éclatant de lumière. Aussi désert que la terre si ce n’est plus, il s’étendait à l’infini sans la moindre présence, sans le moindre obstacle pour les rayons du soleil qui avaient le champ libre pour venir grignoter la terre. Un oiseau décrivait de longs cercles dans l’azur un peu plus loin et l’homme le fixa pendant un moment.

Parfois il lui semblait que le désert lui parlait, qu’il entendait son murmure lointain. Il le comparait au chant des sirènes qui tentaient d’attirer les marins égarés d’autrefois. Une douce et attrayante complainte...

Ce qui sautait aux yeux ici, c’était l’absence de vie. Ou que se posait ses yeux il n’en voyait que peu ou pas de traces. Pourquoi diables les hommes avaient-ils voulu se perdre ici ? Cette question le pris lorsque son regard s’égara sur le ranch, îlot dans l’océan rougeâtre, dans lequel il travaillait depuis des mois. Depuis qu’il avait renoncé à ses rêves et à sa route. Personne n’était venu hier, comme il s’y attendait. Il n’espérait plus depuis longtemps mais il ne pouvait chasser cette idée de sa tête. Il voulait être sauvé, il désirait ardemment que quelqu’un vienne pour l’emmener ailleurs, dans une ville, vers la vie.

Mais personne ne venait et les jours passaient. Il les regardait se suivre avec résignation, s’acquittant de sa tache, mangeant, dormant, survivant. Combien de temps cela durerait-il ? Il n’en savait rien. Il attendait, simplement.
 

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La pierre quitta la main du cow-boy et traversa l’air en sifflant avant de venir s’écraser sur un rocher. Elle éclata en plusieurs morceaux qui tombèrent sur le sol, rebondissant un instant avant de s’arrêter près des restes de ceux qui les avaient précédés. La main de Billy saisi machinalement une autre pierre et il la soupesa un instant. Son bras se leva pour lancer mais retomba mollement, ses doigts s’écartèrent lâchant leur prise qui heurta le sol d’un bruit sec.

Les quelques premiers projectiles semblaient avoir de l’effet mais il s’avérait que non. La colère qui l’avait envahi, qui l’avait fait se sentir vivre, qui l’avait fait ressentir quelque chose pour la première fois depuis des mois s’était évanouie aussi vite qu’elle était venue. Il se sentait vidé et fatigué, il n’avait plus goût à rien, sa vie était vide de sens et il n’avait plus aucun but. La tristesse qui régnait maintenant en lui l’envahissait et le rongeait jour après jour. Il ne faisait plus rien pour lutter à présent. Il l’avait acceptée et savait qu’elle ne le quitterait plus, il vivait avec elle sans rien attendre de ses jours qui se suivaient implacablement. Quand il avait suffisamment mangé et dormi il pouvait assez facilement donner le change, vaquer à ses activités, s’occuper l’esprit de tout et de rien pour ne pas penser.

Mais d’autres fois il n’y arrivait plus, ses efforts pour ne pas sombrer l’épuisaient et il finissait par retomber. Il sentait poindre ce sentiment de noirceur comme on sent venir un orage. La pression tombait, les nuages s’accumulaient à l’horizon et fatalement le tonnerre finissait par gronder, la foudre se déchaînait frappant au hasard et semant une douleur aigue, … Et la pluie s’abattait. La plus terrible des trois, s’insinuant lentement mais sûrement, l’eau montait petit à petit, gênante d’abord, puis inquiétante, son niveau continuait à monder. Parfois lentement, parfois à une vitesse impressionnante, jusqu’à ce qu’il perde pieds. C’est à ce moment là qu’il était au plus mal, plus rien d’autre n’existait que la douleur et la solitude. Il se sentait se noyer et sombrer et n’avait qu’une envie : se laisser engloutir pour ne jamais remonter. Sa vie ne lui manquerait pas et lui ne manquerait à personne.

Mais l’eau descendait immanquablement. A chaque fois elle repartait et le soleil le séchait. Alors il reprenait la routine et tachait d’oublier. Il tachait de ne plus penser à cette angoisse qui l’avait remplie, à cette envie de rester dans cette glaciale pénombre. Il savait qu’à chaque fois il s’enfonçait plus loin, peut être qu’un jour…

Pour l’instant il n’en était pas là. L’horizon était encore clair même si le baromètre était en phase descendante. Il décida de retourner au ranch et se mis en route sans se retourner. Lorsqu’il arriva, il s’installa dans la grange et alluma une bougie pour lutter contre l’obscurité qui commençait à tomber. C’était normalement interdit, à cause du risque d’incendie avec toute cette paille, mais ce soir il se permettrait une exception. Il sortit de quoi écrire et rédigea une annonce qu’il prévoyait d’envoyer à un journal. Lorsqu’il eut terminé il hésita un instant, la démarche lui semblait pathétique, il jeta la lettre au fond de l’enveloppe avant de changer d’avis et la referma. Demain il l’enverrait et elle serait bientôt publiée. Il souffla la bougie et s’endormi en repensant à son contenu.

« A vous qui vivez dans une ville de l’ouest et qui lisez cet annonce, je m’appelle Billy. Je suis travailleur et sérieux. Je cherche un endroit ou m’installer et je suis prêt à faire prospérer votre ville.

Si vous avez besoin d’âmes pour peupler votre ville, je suis peut être votre homme. »


Une adresse de réponse suivait.
 
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