J'aime bien lire vos "ça dépend". C'était l'intérêt de poser la question comme ça, sans donner aucune info, juste voir si j'aurais déjà eu des réponses fermes ou si au contraire, comme vous l'avez fait, les réponses auraient été modulées.
Voyons voir les "types de réponse" qu'on pourrait donner.
Joueur A : J'ai une figure, en plus ma main est assortie, je suis et je regarde ce qui se passe.
Joueur B : Ma main est faible. Je passe.
Joueur C : C'est le bouton qui m'attaque alors que tout le monde a fui. Il peut avoir à peu près n'importe quelle main et essayer de voler les blinds. Je relance pour tenter à mon tour de voler le pot et faire passer toute la partie "fausse" de son
range*.
Joueur D : Je n'ai pas assez d'informations pour répondre à cette question.
Quel format jouons-nous, cash game, tournoi...?
Si nous sommes dans un tournoi, combien de joueurs reste-t-il, combien sont récompensés et quel est l'objectif que je me suis fixé?
Combien de joueurs y a-t-il à la table?
Quel est l'entité de mon tapis, le tapis moyen de la table (et du tournoi, si c'en est un) et celle du tapis du joueur qui attaque mon blind?
Et au fait, est-ce que je connais ce joueur, ai-je déjà joué des mains contre lui, est-ce que je connais sa manière de jouer, est-ce que je sais s'il est agressif, serré, est-ce que je sais si je suis plus ou moins fort que lui...?
Et à combien a-t-il relancé?
Et le joueur qui est entre nous deux, le small blind, est-il susceptible d'avoir influencé la relance du bouton (par exemple, si c'est un joueur fort ou agressif, on peut imaginer que le joueur au bouton ne relancerait qu'avec des mains meilleures que celles qu'il aurait choisies s'il avait derrière lui un joueur faible...)?
Une fois que j'ai ces informations, je regarde mes cartes et je prends ma décision en fonction de tous ces paramètres.
Pour stigmatiser un peu ces quatre joueurs (évidemment, c'est un peu caricaturer le raisonnement, mais ça donne une idée

) :
Joueur A est destiné à perdre beaucoup d'argent sur le long terme, à moins de jouer seulement avec des joueurs médiocres, dans des parties fort peu intéressantes où tout le monde "suit et regarde ce qui se passe" et où le hasard a la part belle. S'il suit
a priori, indépendamment du joueur qui relance, de la taille de son tapis etc... il devient très rapidement prévisible et un bon joueur peut faire plus ou moins ce qu'il veut de lui (de plus, suivre dans ce
spot** est une action passive qui le conduirait à se retrouver au flop avec une main marginale, hors position, contre un joueur meilleur que lui, ce qui n'est vraiment pas une bonne idée).
Joueur B est un cran au-dessus de A, tout en n'étant toujours pas au niveau de jouer contre un bon joueur. La seule différence avec A, c'est que B a compris que K-3 assortis est une main faible (en réalité, c'est une main faible dans
la plupart des situations) et par conséquent face à la relance il passe. Il perdra moins d'argent que A sur le long terme, mais il en perdra quand même, car s'il n'intègre pas tous les paramètres énoncés par D dans son raisonnement et passe systématiquement une main faible face à la relance... et bien, un joueur agressif qui comprendra cela pourra malmener B dans tous les sens.
Joueur C a intégré le concept de position et sait qu'une attaque du bouton démontre beaucoup moins de force qu'une attaque venant de l'
UTG*** par exemple. Alors, il se dit que la majeure partie des fois le bouton est en train d'essayer de voler le pot, et il essaye de le contre-voler. C'est un coup déjà un peu plus complexe. Cependant, le joueur C n'a aucune idée de ce qu'il est en train de faire en réalité. S'il prend cette décision sans tenir compte de la taille des tapis, du style de jeu du bouton, etc... Il s'expose à perdre de l'argent inutilement, si par exemple le bouton est un joueur serré, s'il est
short stack**** et sa relance l'a trop compromis dans le pot pour passer face à la surrelance, etc... Joueur C se retrouve probablement dans l'incapacité de le faire passer et sa main est très probablement dominée.
Joueur D est ce qui peut s'approcher le plus d'un bon joueur. Il se pose les bonnes questions et seulement après il regarde ses cartes. Il pense aux possibles évolutions du coup avant d'investir de l'argent dedans. Il interprète les positions, les tapis, les styles de jeu et enfin seulement le potentiel de sa main, alors que A n'est qu'un faiseur de voeux, B fait passer la valeur de sa main avant tout le reste et C ne se concentre que sur un paramètre alors que d'autres sont essentiels. Joueur D ne ferait qu'une bouchée de ces trois-là.
Comme vous l'aurez compris, la réponse n'est absolument pas ferme ou déterminée juste à partir de "j'ai K-3 assortis", en fonction du contexte on peut aussi bien être amenés à passer, suivre ou relancer.

Si vous avez des questions, remarques... on peut en discuter avec plaisir.
P.S. petit lexique si vous voulez :
*range = ensemble perçu de toutes les combinaisons que l'adversaire peut avoir, c'est-à-dire compatibles avec les actions qu'il effectue.
**spot = littéralement "point", soit "dans ce point" en anglais, la meilleure traduction française étant "dans cette situation".
***UTG = "under the gun" : le premier joueur à parler préflop (celui à gauche du big blind), qui se retrouve par conséquent dans une situation inconfortable puisque tout le monde doit encore parler derrière lui. Le joueur UTG est donc en général beaucoup plus sélectif dans ses mains de départ lorsqu'il décide de jouer.
****short stack = petit tapis. En général on ne parle pas forcément de short stack des joueurs les uns par rapport aux autres, mais plutôt par rapport à l'entité des blinds, par exemple : un joueur avec 60 big blinds n'est pas short stack même s'il y a à la table un joueur qui a 150 BB, tandis que si les blinds sont tellement élevés que tous les joueurs à la table n'en ont plus qu'une dizaine chacun, on peut dire qu'ils sont tous short stack. De manière plus générale, pour mesurer la taille réelle d'un tapis il vaut mieux savoir combien il contient de blinds, même si l'unité d'argent de la table est le dollar, le "chip", l'eurocora ou la pistache.