La ballade des Wesson

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DeletedUser

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P'tite parenthèse Hors-RP : J'vous remercie d'avance d'pas poster à la suite, tant que j'ai pas terminé l'histoire du personnage. Pouvez m'faire vos remarques via le télégramme cependant. Merci et bonne lecture.



La ballade des Wesson, ou « La piteuse vie d’un garçon de ferme boiteux et avare voulant devenir chercheur d’Or ».



« Tarde venientibus ossa »



Le rocking-chair se balançait d’avant en arrière sur le perron de la vieille masure abandonnée, délabrée et rongée par le manque d’entretien. Le souffle du vent venait la faire osciller comme une pendule, et on l’entendait grincer dangereusement ce qui laissait supposer que plus personne n’osait venir s’y choir. De toute façon plus personne n’habitait cette ferme fantôme, ni même la grange où une tragédie s’était produite, et les ragots du village faisaient état d’un passé trouble, peu rassurant pour les vadrouilleurs qui passaient par là. Le soleil était haut dans le ciel moucheté de nuages et quelques volatiles rapaces planaient en hauteur, décrivant des cercles concentriques et jetant des regards envieux et des cris perçants sur le bivouac en contrebas, situé sur le faîte d’une colline rocheuse dénuée de toute verdure non loin de ladite masure.

La région n’était pas très peuplée, il était rare d’y croiser ne serait-ce qu’une personne sur chaque kilomètre, ce qui expliquait la présence d’un campement de fortune dans cet endroit isolé. Sur des broches métalliques un lièvre sauvage maigrelet tournoyait, dépecé de sa fourrure, la chair à vif et rougeoyante entre les braises d’un foyer alimenté par des poignées de brindilles qu’un homme sale, en haillons, mal rasé, les cheveux en broussaille, au physique ingrat et boitillant de la jambe gauche, ne quittait pas de ses yeux fins dissimulés derrière quelques rides et l’ombre d’un couvre-chef à casquette grise.

Le déjeuner était bientôt prêt et l’homme s’en réjouissait d’avance, plissant les narines pour humer les vapeurs de fumée s’échappant de la carcasse, pour imprégner ses sens du repas frugal qui l’attendait. Et qu’il avait pleinement mérité. La chasse aux lièvres étant particulièrement coriace lorsque l’on avait rien d'autre qu’un vieux gourdin et sa rapidité pour choper ces bestioles. Il l’avait poursuivi depuis l’orée du bois voisin, dont les arbres n’étaient que des souches de bois morts avec la chaleur environnante et le climat aride, et avait dû se contenter de pister le plus moche et le plus rachitique lièvre qu’il eut croisé, mais pas bête comme ses pattes non plus. Lui-même boitait de la guibolle gauche, une coupure antérieure qui était encore un peu trop présente, aussi la chasse n’était pas un de ses passe-temps favoris. Il savait pourtant comment s’y prendre, ayant vécu en loup solitaire pendant de nombreuses années et étant issu d’un milieu rural, fils de fermier. Il s’était installé dans les hauteurs, de sorte à repérer si quiconque de suspect approcherait de son bivouac, et aussi de sorte à ce que les animaux ne puissent pas venir le déranger dans sa becquetance improvisée.

Ne croulant pas sous le poids des dollars, il avait ceci dit quelques ustensiles bien pratiques avec lui. Des toiles de tissu, décousues pour la plupart, superposées les unes sur les autres, lui servaient de tente ou de paquetage, les nuits où les moustiques étaient voraces, et pour cacher ses biens du regard avide des autres voyageurs, n’aimant guère attirer la convoitise. Une poêle en fonte lui servait d’autant à la recherche de pépites que de cuisson de fayots, double utilisation, et bien sûr il avait une faucille qui lui servait de coutelas, pratique pour découper les chairs mortes d’une cuisse de lièvre rôtie. Une fourche à fumier servait de piquet de tente et aussi pour quelques menus travaux qu’il pouvait trouver en se rendant dans les ranchs des cowboys du coin ou les étables des fermiers. Le bonhomme, mal fringué et surtout malodorant, caressait sa barbiche peu cocasse en fixant son regard vitreux sur les flammes de l’âtre. À en voir sa tenue, il était de notoriété évidente qu’il bourlinguait de gauche à droite et qu’il n’avait guère pris de bain depuis des années. Sur ses haillons, plusieurs couches successives de crasses s’étaient empilées, rendant la couleur originelle du vêtement méconnaissable. Le cul planté sur une rocaille blanchâtre de pierre calcaire, recouverte par des vêtements de rechange pliés aussi sales et troués que ceux qu’il portait, il marmonnait quelques cantiques religieux et tentait de faire la paix avec lui-même, bien qu’il ne s’en rendait pas totalement compte, n’étant guère très instruit.

Il n’avait pas toute sa tête, il le savait car on le lui avait maintes fois répété. Laissant reposer et respirer ses panards, il avait enlevé ses bottes, pour se sentir plus à son aise et les réchauffer, faut dire qu’il avait dû traverser une rivière à pied l’autre jour et l’intérieur des bottes était encore humide. Désagréable. Pour peu il pouvait choper une infection, c’est qu’il en avait vu des gaillards avec des guibolles d’affreux rongées par des saloperies. Pour l’heure, il se réjouissait surtout de son butin, voilà qui était bien différent des habituelles truites, fayots en boîte et autres dégueulasseries innommables. Les fayots n’arrêtant jamais de lui filer une tourista fulgurante, il préférait mâchouiller encore une bonne vieille chique. Chose à part, il avait dans ses affaires, protégées dans du papier journal plié et replié, des feuilles tabac, à l’abri dans son sac à dos où deux initiales P.W. étaient visibles lorsque l’homme se délaissait de son baluchon pour bivouaquer.

P.W. pour Preston Wesson.
 
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Le vieux boiteux ne peut pas aller plus loin. C’est la forêt et il fait nuit, en plus il a la dalle. Maigre becquetance dans la gamelle, il se fait des fayots en bivouaquant à l’orée de l’épais sous-bois. Depuis la fois dernière, il a eu quelques gadins, cicatrices et autres galères au compteur. Il ne sait plus trop quel jour on est, deux jours d’affilée qu’il sillonne le coin, allant de p’tits jobs en p’tits jobs.

Il pensait gagner son écuelle en corroyant chez ce tanneur de peau, le Gros George qui s’appelait. C’est ce qu’il fit, mais pour pas grand-chose. Il lui est arrivé une bouse en route, en plein dans la cramouille. C’était la première fois qu’il faisait ça et il s’y est mal pris, dommage car le Gros George lui avait promis une peau gratis si le taf était convenable, en plus d’être blanchi. Il s’est foiré, c’était un accident, de l’eau a ébouillantée une demi-dizaine de peau, rendant le tissu rugueux, filandreux et vasouillard. La guigne.

C’était une maladresse, pour sûr. Il ne se serait pas vautré aussi pitoyablement s’il connaissait mieux les artifices de cet artisanat. Quoiqu’il en soit ce qui est fait, est fait. Il n’peut pas revenir en arrière. Certes, il le regrette car maintenant il se gèle les miches sous ses vieux bout de tissus troués qui lui servent de couverture, faut dire qu’il fait grandement frisquet quand la nuit tombe. Le contraste avec le jour est plus que palpable, il est évident. La canicule le fait somnoler, le déboussole et il se retrouve dans des patelins sans noms ou des villes fantoches, la dynamite entre les béquilles.

Le ciel de la nuit est parsemé de nuages mouvants au rythme du vent, dont ce dernier est vil et sournois. Il vient gercer les lèvres, soulever les toisons, frôler l’épiderme et hérisser la pilosité. Se grattant le bas du bide, il se retourne maintes et maintes fois avant de trouver le sommeil. Mais cette couverture de fortune pleine de diablerie vient se gonfler de vent à en faire claquer les gencives, du coup il a du mal à se détendre. Fait lurette qu’il n’a pas dormi sur une vraie couchette, peut-être une semaine ou un peu moins. Il avait fait halte dans une bourgade, un jour de festivités bucoliques, mais il était tellement cané qu’il a pioncé comme un loir malgré les coups d’fusils et la musique.

Là le sol est dur, alors il s’est réfugié à l’abri des racines d’un arbre. Avec un peu de verdure autour, histoire d’avoir un tapis protégeant sa carcasse des courbatures et autres vilénies anatomiques. C’est qu’il dérouille sévère faut dire, en vivant comme un chacal à plumes.

Avant d’piquer son roupillon, des images et des souvenirs lui reviennent. Images de la ferme Wesson. Cette vieille bicoque aux toits grinçants, aux chandelles écarlates, aux murs noircis par les tempêtes et les rafales de poussières, de terre et de glaise. Il se souvient du champ, de ses vieux, de son frère le flambeur et de sa mère-grand borgne, qui portait son bandeau en traviole de la tronche pour cacher son œil manquant. Malgré ça c’était le meilleur cuistot de la région, avec des recettes de fines bouches couvertes de sauces épicées mais délicieuses.

Ouais, ça lui manque cette vie là. Mais il sait qu’il ne peut pas revenir dans le passé. Il sait qu’il est bloqué ici, dans le présent, avec pour seul réconfort ces bribes de souvenirs incrustés dans sa mémoire qui s’effiloche au rythme des années qui défilent. Ah, il en deviendrait presque nostalgique à en verser dans du mélo, tiens. Ils repensent à eux, et il chiale, il évacue en cascade les grandes eaux, en ressassant ce fameux et dramatique jour, où il se revit enterrer ses proches au pied du vieux frêne. Morts. Ils sont là-haut désormais, quelque part dans l’immensité de la nuit, derrière les nuages de velours, parmi les étoiles brillantes. Ils veillent sur lui, mais que diraient-ils en le voyant ainsi ? Qu’il ait du mieux qu’il peut ?

Peut-être, ou peut-être que non justement. Il se sent las à cet instant, usé jusqu’à la moelle, recroquevillé sur lui-même et sur son échine difforme. Il sèche ses larmes, maudit les démons de son passé à voix basse et s’endort doucement en berçant son âme d’une silencieuse prière étouffée. La rouet est encore longue, et semée d’embûches.
 

DeletedUser

Invité
Hrp : Ne voyez pas le mot " nègre " comme une insulte ou du racisme, c'est juste une pure et simple mise en situation car je pense qu'en 1900, et avant (puisque l'histoire se passe bien avant) cela faisait partie du folklore de dire nègre, sans qu'il n'y est de sous-entendu discriminatoire. Si vraiment cela ne passe pas, avertissez-moi et je supprimerai au besoin. J'ajoute aussi que le récit est assez trash, et donc déconseillé aux yeux chastes ou interdits aux mineurs. (Pour l'instant il n'y a que le récit, le prologue en quelque sorte... mais les dialogues seront également à venir dans les autres parties et seront assez osés, vulgaires, etc...)



Flash-back - Première partie.

La ville de Trinidad est en pleine expansion, carrefour qui voit défiler de plus en plus d'étrangers venus des quatre coins du pays. Très vite, la réputation de cette ville s'est faite sur les bas salaires et la main d'œuvre ouvrière bon marché.

Les Wesson n'avaient pas toujours habité cette ville, ils étaient venus depuis le nord de la côte Est, débarqué en plein dans la grand ville de York. Désormais, Jack Wesson, le docteur ou tout simplement " Le Doc " habitait à Trinidad, où tout était noir comme le charbon depuis les visages des mineurs aux montagnes pelées si hautes qu'elles en assombrissaient la vallée.

Tout était noir, même la populace locale et les établissements. Des masures couleurs de suie aux crassiers, aux estaminets et autres échoppes en plein développement. Les ouvriers, les mineurs, étaient des mexicains ou des nègres pour la plupart.

Ce n'était pas un bon environnement pour élever des bons petits américains en bonne et due forme diraient les vieilles rombières bien nippées des salons et clubs de thé de La Haute société pensante américaine en plein essor...

Le Doc et sa famille était venu se réfugier dans cette ville après une spéculation malheureuse du Grand-Pa, qui avait rejoint les cieux quelques semaines plus tôt avant ce jour, ce jour où Wesson devint un nom porteur de la mauvaise graine.

Personne ne doutait de leur droiture, les jeunes enfants, Charley et Preston, étaient de bons éléments dans l'école de la paroisse du père Henry. Oliver, l'aîné, était apprécié parmi la gent ouvrière et travaillait comme secrétaire pour Le Doc, tandis que leur bonne mère s'occupait des tâches ménagères et de tout ce qui incombait au devoir des femmes en ce temps-là.

Il n'était pas rare que la Mère brûle des encens dans la maison, étant devenue allergique aux relents d'iodoforme et d'éther que Le Doc et Oliver propageait dans l'atmosphère lorsqu'il passait la journée en consultation, ou à l'hospice.

Charley et Preston n'étaient pas des garçons très turbulents, mais Charley avait la fâcheuse manie de traînasser avec une bande de mexicains et de nègres de son âge ce qui énervait passablement sa mère alors que le père, habitué à guérir juifs, nègre et mexicain au même titre que les blancs, clochards, mineurs et autres, s'en foutait royalement et de toute façon ses journées étaient tellement remplies qu'il ne prenait guère le temps de discourir sur le bien fondé de considérer les autres couleurs de peaux comme des êtres inférieurs. Il disait cependant que peu importe la couleur, une fois ressorti des mines, tous les mineurs sont suiffés gras et sont des nègres.

Preston, par sa timidité, éviter les contacts avec les autres, surtout les jeunes filles qui commençaient à l'attirer à son jeune âge. Mais dans cette voie là, il ne remporterait jamais le succès qu'avait Oliver, cirage sur les tifs, pour draguer de la donzelle avec une paire d'as dans chaque main.

Oliver était un flambeur, trop certainement, avec un penchant pour la boisson, les jolies femmes et les chansons grossières et paillardes. Poker, rami, cribbage, quatre vingt-et-un, black jack, ainsi qu'une panoplie de jeux clandestins non acceptés par les locaux et honnêtes gens du coin.

Il s'endetta très vite car malgré sa belle gueule d'éphèbe, il n'en était pas moins guignard et malhabile en-dedans. Certes, il pouvait faire un bon croupier, mais l'était incapable de bluffer à la perfection et ainsi dilapida la pauvre tirelire des Wesson un mois de Mai.

Cette année-là, les tripots et les maisons closes pullulaient de gangs organisés de gibiers de potence, boucaniers, anciens marins, nerveux de la gâchette et tant d'autres personnes pour le moins non fréquentables rien que de visu.

Les deux derniers de la famille étaient maintenant des hommes. Preston, le dernier, était le plus chétif, lâche et fourbe qui soit tandis que Charley était musclé, bagarreur, impulsif mais économe. La dette d'Oliver parvint de la ville jusqu'à la demeure des Wesson, en ce jour fatidique où les salopards, les truands, les brutes, ramenèrent leurs vieilles dégaines frusquées 'tiags et mousquets et pétards au ceinturon.

Preston s'en souvient plus que jamais de ce jour, ce jour de printemps où il avait passé la journée en compagnie de Jones, le fils des voisins, avec qui il avait tenté de conter florette aux gourgandines de la ferme Parker, déclamant des proses et des vers ou jouant la comédie, l'humour étant ce qui plaisait le plus. Oui, ça avait été une bonne journée, longue et amusante, bien que le dîner ait été interrompu.

Preston s'en souvient bien, tellement bien que ça le ronge de l'intérieur. Il avait pourtant réussi à l'attraper ce fusil, il avait pourtant réussi à le charger, il avait pourtant réussi à savoir quoi faire pour éviter que sa famille se fasse tuer sous ses yeux, il avait pourtant réussi à passer inaperçu aux yeux de ses déjantés et autres cognés du bulbe, mais il n'avait pourtant pas réussi à sortir de sa cachette et défendre les siens. Pétrifié, il avait été, et il s'en voulait. Il se damnait pour cette lâcheté, pour ce manque de bravoure, de hardiesse, alors que la fureur était bien en lui. Oh que oui, il avait seulement fermer les yeux lorsque sa génitrice avait été violée. Rien d'autre, pas un battement de cil, pas un écart, pas un grincement de plancher ni un souffle échappé de ses dents serrées. Rien d'autre que la crispation de ses doigts sur l'étroit canon du fusil et les larmes qui dévalaient sur ses joues rosies.

La nuit-même, sans aucune sépulture pour ses proches, il s'enfuit, et plus jamais il ne remit les pieds à Trinidad.
 
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